Gazze ne disparaît jamais vraiment de l’actualité : le rapport Cihannüma

09:5524/11/2025, Pazartesi
MAJ: 24/11/2025, Pazartesi
Yasin Aktay

L’État sioniste d’Israël a violé près de 500 fois l’accord de cessez-le-feu conclu grâce aux médiations des États-Unis et de plusieurs pays intermédiaires, après deux années de guerre génocidaire. Ce résultat n’a surpris personne : dès qu’Israël s’est assis à la table des négociations, chacun savait que ces violations étaient probables. Ce qui étonne vraiment, ce ne sont pas les actes d’Israël, conformes à sa nature, mais l’attitude des pays garants — au premier rang desquels les États-Unis. Un

L’État sioniste d’Israël a violé près de 500 fois l’accord de cessez-le-feu conclu grâce aux médiations des États-Unis et de plusieurs pays intermédiaires, après deux années de guerre génocidaire.


Ce résultat n’a surpris personne : dès qu’Israël s’est assis à la table des négociations, chacun savait que ces violations étaient probables. Ce qui étonne vraiment, ce ne sont pas les actes d’Israël, conformes à sa nature, mais l’attitude des pays garants — au premier rang desquels les États-Unis.


Un cessez-le-feu vidé de son sens


Le dirigeant du bureau politique du Hamas, Khalil Hayya, qui avait accepté l’accord d’échange des prisonniers, rappelait d’ailleurs que la confiance du mouvement ne portait pas sur Israël mais sur les pays garants. Pourtant, au fil des jours, ces pays n’ont été capables ni de contraindre Israël, ni d’imposer la moindre sanction susceptible de protéger les civils de Gaza. Les attaques arbitraires continuent : chaque jour, des familles entières, enfants, femmes, personnes âgées, tombent en martyrs comme s’il n’y avait jamais eu la moindre trêve.


Selon l’accord, l’armée d’occupation devait autoriser l’entrée quotidienne de 600 camions d’aide humanitaire à Gaza et stopper totalement ses frappes. En réalité, ce volume n’a jamais dépassé un cinquième du seuil prévu, et les attaques ne se sont jamais arrêtées. Depuis le 11 octobre, 318 Palestiniens ont été tués et 788 blessés. L’armée a aussi étendu la zone de retrait dite
"Ligne jaune",
violant l’accord et intervenant contre tout mouvement civil à l’intérieur de ce périmètre comme si elle en détenait un droit légitime.

Le cessez-le-feu a néanmoins offert un avantage politique à Israël : une baisse mondiale des manifestations qui dénonçaient l’occupation. Ainsi, tout en poursuivant sans interruption ses crimes contre l’humanité, le régime d’occupation a largement désamorcé la colère internationale en faisant semblant de cesser le feu.
L’attention médiatique mondiale s’est apaisée — mais Gaza continue de brûler.

Une nécessité absolue : ne jamais détourner le regard


Il est donc essentiel de ne jamais laisser Gaza sortir du débat public. Même un véritable cessez-le-feu ne devrait jamais signifier l’oubli : laisser les criminels israéliens continuer leur vie sans rendre de comptes constitue une menace pour l’humanité entière et une honte collective. Le Gaza Tribunal organisé à Istanbul représentait, à ce titre, une initiative cruciale : une forme de témoignage historique, une prise de position morale durable enregistrée par des observateurs extérieurs.


Dans ce contexte, le rapport publié récemment par Cihannüma revêt lui aussi une importance particulière. Il ne se limite pas à documenter les crimes commis à Gaza :
il formule également des propositions pour la reconstruction d’un territoire ravagé.
Fruit du travail de 84 universitaires, il affirme que la situation de Gaza ne peut être décrite par des notions classiques comme
"guerre"
. Ce qui se déroule est le résultat ultime d’une politique d’occupation, de siège et d’élimination systématique menée depuis des décennies. Outre ce constat, le rapport avance également une stratégie globale pour la restauration d’un territoire dévasté depuis le 7 octobre.

L’un des points fondamentaux concerne l’effondrement total du droit international, du régime des droits humains et des institutions mondiales, mis en lumière par Gaza.
Le refus d’Israël de respecter les résolutions de l’ONU et les sanctions américaines contre la Cour pénale internationale en sont les symboles flagrants. Le rapport souligne que toute solution durable nécessite justice et responsabilité : le gouvernement Netanyahu et les responsables militaires israéliens doivent être jugés selon le droit international.
Les exemples de la Bosnie, du Rwanda ou du Soudan montrent qu’une justice retardée ouvre la voie à de nouvelles tragédies.

Le rapport insiste aussi sur une vérité désormais incontestable : Israël n’est pas seulement un État, mais l’avant-poste du projet impérialiste occidental. Les réactions ne devraient donc pas cibler Israël seul, mais également les structures globales qui le soutiennent. La politique d’Israël, fondée sur son idéologie de
"terre promise"
, repose sur une stratégie en trois volets —
déstabilisation, désislamisation, déshumanisation
— que Cihannüma résume par les
"3I".
En réponse,
le rapport propose ses propres "3I" : Ikna (Convaincre), İnşa (Reconstruire), İhya (Revitaliser).

Convaincre qui ? Reconstruire quoi ? Et revitaliser comment ? Sous la direction des professeurs Abdulkadir Macit, Salih Kesgin, Abdulvahap Özsoy et Nurettin Menteş, les 84 contributeurs soulignent qu’aucune avancée n’est possible sans une mobilisation internationale capable de sanctionner Israël. Par
"Ikna"
, ils entendent reconstruire le capital moral de la société de Gaza. Par
"İnşa",
la réorganisation de l’infrastructure physique selon des principes de sécurité, de logement, de justice et d’aménagement. Par
"İhya"
, la revitalisation du tissu économique et culturel, notamment par les fondations, la solidarité sociale et la relance des chaînes de production.

En plus de sa section consacrée au sionisme, le rapport rassemble des analyses et des propositions concernant l’infrastructure détruite depuis le 7 octobre : droit, relations internationales, éducation, médias, culture, santé, aide humanitaire, économie, science, ingénierie, technologie, et rôle des ONG.


L’ensemble constitue une véritable feuille de route. Mais sa principale faiblesse réside peut-être là : il semble conçu en supposant qu’Israël respecterait l’accord et se retirerait réellement de Gaza.
Or, en 40 jours seulement, Israël a violé l’accord près de 500 fois. Le respect du cessez-le-feu n’a jamais été une option pour lui.

La question est donc : que va-t-il advenir ? Où et comment ces propositions pourront-elles être appliquées ? Les mesures coercitives prévues ne visent que le Hamas.
Dès le départ, on a annoncé que la vie deviendrait "un enfer" si le Hamas violait l’accord ; mais aucune sanction n’est prévue si Israël en fait autant. Et les pays garants n’ont montré aucune volonté de l’arrêter.

Le rapport évoque le jugement de Netanyahu, la responsabilisation d’Israël, la création d’un nouvel ordre de paix mondiale. Mais comment y parvenir ? Quelles alliances politiques seraient nécessaires ? Les dirigeants actuels y sont-ils prêts ?
Certains pays musulmans, dont on attend une contribution majeure, n’espèrent même pas la fin des massacres mais souhaitent qu’Israël achève rapidement son offensive contre le Hamas. Comment imposer des sanctions à Israël avec de tels partenaires ?

Ces blocages ne sont pas propres au rapport : ils constituent les impasses du présent. La politique doit les surmonter pour ouvrir de nouvelles voies, et ceux qui parviendront à franchir ces barrières marqueront l’Histoire. Et pourtant, même dans les situations les plus sombres, une issue existe toujours.
Il suffit d’y croire, comme ces combattants de Gaza qui, malgré l’encerclement et l’impitoyable violence israélienne, ont réussi à briser le mythe de l’invincibilité de l’occupant.
Ils ont accompli leur devoir. Et nous ?

C’est pourquoi le rapport de Cihannüma doit être salué et conservé comme un document de référence. Puissions-nous voir un jour naître les conditions nécessaires pour que ses propositions se transforment en actions concrètes.

#Gaza
#Cihannüma
#Israël
#occupation
#rapport
#reconstruction
#justice