Crédit Photo : NAY MYO / AFP
Des résidents qui ont fui les zones de conflit près de la frontière entre le Myanmar et la Chine, se rassemblant dans la ville de Lashio et attendant de trouver un moyen de transport pour retourner dans leur ville d'origine.
Le drapeau rouge flotte sur des bâtiments criblés de balles et des combattants d'un groupe armé ethnique patrouillent les rues de Lashio, après des semaines d'affrontements contre la junte birmane pour prendre cette ville clé de l'est du pays.
Mais la plupart des habitants, effrayés, ne sont pas rentrés chez eux.
"Tout le monde a peur parce que les combats viennent de se terminer"
, décrit Mae Gyi, un vendeur de 28 ans, qui s'exprime sous pseudonyme pour des raisons de sécurité.
Début août, les combattants de l'Alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA) ont pris possession de Lashio, ville stratégique du nord de l'État Shan, infligeant la pire défaite aux militaires depuis des décennies. Aujourd'hui, le groupe ethnique armé, qui entretient des liens étroits avec Pékin selon les analystes, peine à convaincre la population de revenir et reprendre une activité normale.
Avec 150.000 habitants en temps normal, Lashio est la plus grande des localités prise par les groupes rebelles combattant les militaires qui se sont emparés du pouvoir pour la première fois en 1962.
Le MNDAA fait partie d'un ensemble de trois groupes armés ethniques lancé dans une offensive coordonnée contre la junte, qui avait évincé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi en 2021. Ils se sont emparés de pans entiers de l'État Shan.
Lashio a payé durant l'été un lourd tribut aux affrontements. Des dizaines de civils ont été tués ou blessés durant les combats, selon des habitants et des secouristes. À proximité se trouvent de lucratives mines de plomb, d'argent et de zinc, tandis que l'autoroute qui relie la ville à la Chine draine chaque année des centaines de millions de dollars d'échanges commerciaux, selon le ministère du Commerce de la junte.
Si la situation s'améliore depuis août, des attaques aériennes de la junte ciblent encore sporadiquement des bâtiments publics de Lashio, y compris cette semaine.
"Pas un retour à la normale"
"On ne peut pas dire que c'est un retour à la normale, mais tout le monde essaye de faire comme si c'était le cas"
, souffle Soe Soe, une agente immobilière qui avait brièvement fui au moment de l'assaut rebelle.
"Vingt à trente pour cent de la population"
seulement est revenue, estime-t-elle.
Toit de la mairie partiellement endommagé, impacts de balles sur un portail d'entrée de l'université : au milieu des destructions, des vendeurs dans un marché ont installé de nouveaux étals en tôle ondulée et de bambou.
Internet fonctionne, et d'autres produits de première nécessité sont disponibles, bien qu'à des prix un peu plus élevés, selon trois habitants interrogés par l'AFP. La semaine dernière, des habitants ont installé des pompes manuelles pour vendre de l'essence, en l'absence du groupe pétrolier national. La circulation reste rare en raison des combats, qui ont conduit à la fermeture de l'autoroute menant à Mandalay, la deuxième ville de Birmanie.
Beaucoup de citadins qui sont partis manquent encore à l'appel. Aux incertitudes sur la sécurité s'ajoute la question ethnique. Lashio, où réside une population diverse de Bamar, Shan, Kachin, n'est pas familière avec les combattants du MNDAA, originaires de la région du Kokang, frontalière de la Chine et peuplée majoritairement de Chinois. Là-bas, la langue de l'administration, la monnaie et les fournisseurs d'accès à internet sont chinois.
L'ordre public sous la baguette du MNDAA évoque d'ailleurs les excès de l'époque maoïste. En avril, le groupe a exécuté, dans la ville frontalière de Laukkai, trois de ses membres pour meurtre et vente d'armes et de munitions volées, à l'issue d'un procès public au cours duquel chacun des accusés portait une pancarte en chinois détaillant ses crimes.
"Nulle part ailleurs où aller"
Cette approche effraie certains résidents.
"Seuls mes parents sont retournés à Lashio"
, explique un ancien habitant, ajoutant que ses frères et sœurs avaient décidé de chercher du travail ailleurs.
"Nous ne rentrerons que quand le MNDAA aura quitté la ville"
, estime-t-il sous couvert de l'anonymat. Un autre exilé affirme en revanche approuver les méthodes employées.
"Le MNDAA a nettoyé la ville, et ils aident les gens... Ils ont empêché les prix de monter trop haut"
, a-t-il assuré.
Le groupe n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP sur sa gestion de la ville. Garder le contrôle de la ville devrait peser sur le MNDAA, avec de nouvelles recrues nécessaires pour assurer la sécurité dans les nouvelles possessions, observe Jason Tower, de l'Institut des États-Unis pour la paix. Les combattants
"essayent de gouverner un territoire bien plus grand, et font face à une vaste gamme de problèmes dont ils n'ont pas l'expérience"
, ajoute le spécialiste.
Soe Soe compte rester à Lashio, en dépit des combats de basse intensité qui continuent, assure-t-elle.
"Nous n'avons nulle part ailleurs où aller. Donc, je suis revenue à Lashio et j'essaye de faire de mon mieux pour rester ici"
, lance-t-elle.
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