Alors que la visite d'État au Royaume-Uni de l'empereur du Japon Naruhito et de l'impératrice Masako commence mardi, voici un tour d'horizon sur cette maison impériale ayant de profondes différences mais aussi des points communs avec la famille royale britannique.
Des origines mythiques
À la fin du XIXe siècle, l'empereur est élevé au rang de divinité à révérer, un cadre idéologique exploité par les nationalistes et les militaires pour souder le pays et soutenir leurs ambitions impérialistes grandissantes en Asie-Pacifique. Après la défaite du Japon à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'occupant américain maintient l'empereur Hirohito pour préserver la cohésion nationale. Mais la Constitution de 1947, toujours en vigueur, cantonne le souverain à des fonctions symboliques, hors du champ politique.
Une famille discrète
Si le crime de lèse-majesté a été aboli en 1947, les critiques ouvertes contre l'empereur sont extrêmement rares au Japon. Une forme de "tabou médiatique" s'est installée autour de la figure impériale depuis les années 1960, initialement par crainte de représailles de groupuscules d'extrême droite, explique à l'AFP le sociologue français César Castellvi, spécialiste des médias nippons.
Un problème de succession
La lignée impériale est menacée à cause de son mode de filiation patrilinéaire: le trône du Chrysanthème ne se transmet que par le lignage masculin. Comme Naruhito a une fille unique, l'avenir de la dynastie repose entièrement sur son neveu Hisahito, âgé de 17 ans et actuellement deuxième dans l'ordre de succession. Hisahito se situe derrière son père Fumihito d'Akishino, frère cadet de l'empereur.
Des travaux parlementaires se sont ouverts en mai pour discuter d'un éventuel assouplissement des règles de succession impériale. Mais le Parti libéral-démocrate au pouvoir (PLD, droite conservatrice) est farouchement contre l'abandon du système patrilinéaire. Neuf Japonais sur dix sont pourtant favorables à ce qu'une femme puisse accéder au trône, selon un récent sondage de l'agence de presse Kyodo.
Au malheur des dames
Mako a renoncé à toucher l'indemnité financière normalement accordée aux femmes quittant la maison impériale, une première dans l'histoire du Japon d'après-guerre. Dans les années 1990 et 2000, Masako, l'épouse de l'Empereur, a souffert de dépression et a évité les apparitions publiques pendant des années. Cette ancienne diplomate a longtemps subi la pression de l'Agence impériale, notamment parce qu'elle ne donnait pas d'héritier mâle. La mère de Naruhito, Michiko, a aussi connu des épreuves. En tant que première roturière à entrer dans la famille impériale, ses faits et gestes étaient particulièrement scrutés et elle était mal vue par les traditionalistes.
Un outil de "soft power"
Depuis plusieurs décennies, la famille impériale est devenue un outil de diplomatie parallèle pour le Japon: durant son règne, Akihito a régulièrement exprimé ses remords pour le passé militariste nippon, et des chefs d'État et de gouvernement étrangers en visite officielle au Japon sont souvent reçus au palais impérial. Naruhito a par ailleurs étudié à Oxford pendant deux ans (1983-1985), ce qui lui a permis de tisser des liens avec la famille royale britannique.