JO 2024: Des Russes et Bélarusses refusés comme volontaires

10:563/05/2024, vendredi
AFP
Vue d'une anamorphose avec le logo Paris 2024 sur les marches de la basilique du Sacré-Cœur à Montmartre, Paris, le 28 avril 2024.
Crédit Photo : Joël SAGET / AFP
Vue d'une anamorphose avec le logo Paris 2024 sur les marches de la basilique du Sacré-Cœur à Montmartre, Paris, le 28 avril 2024.

"Nous sommes au regret de vous informer que nous ne pourrons plus vous compter parmi les volontaires de Paris 2024." Russes ou Bélarusses, ils avaient été choisis comme bénévoles pour les Jeux olympiques, avant d'être abruptement rejetés, pour des raisons sécuritaires. Et ils le vivent mal.

Pour Diana, une Russe vivant en France depuis 2019, l'annonce fin 2023 de sa sélection comme volontaire pour les JO était
"le plus beau cadeau de Noël de tous les temps".

Elle, qui avait travaillé bénévolement pour les JO de Sotchi de 2014, voulait partager son expérience et contribuer au
"grandiose événement"
parisien.

Diana a ensuite assisté à une convention de volontaires en mars, puis elle a suivi une formation. Son uniforme devait lui arriver en mai. Mais un récent email lui a appris qu'elle ne serait pas de l'aventure.

"Un avis défavorable a été émis à votre encontre"
, l'a informée le programme des volontaires de Paris-2024, citant le
"code de sécurité intérieure"
français.
"La mission acceptée ne vous est donc malheureusement plus attribuée et vous ne recevrez plus de communications de la part de nos services".

"J'ai réalisé que je représentais un danger majeur pour ce pays",
s'indigne la jeune femme de 31 ans, qui travaille pour une grande entreprise française.
"Mais je ne sais pas pourquoi"
, témoigne-t-elle, tout en demandant que son nom de famille ne soit pas divulgué.

Nombre de volontaires russes et bélarusses, sur les réseaux sociaux, affirment avoir reçu des mails identiques. Ils oscillent depuis entre colère et abasourdissement.

"Regrets" russes


Leur soudaine suspension peut se comprendre à l'aune du risque sécuritaire pesant sur les JO, dont Paris, allié de Kiev, craint qu'il ne soit entretenu par Moscou, alors que la guerre livrée à l'Ukraine par la Russie en est à sa troisième année.


En avril, le président français Emmanuel Macron indiquait n'avoir
"aucun doute"
que la Russie ciblerait l'organisation des Jeux Olympiques,
"y compris en termes informationnels"
, alors que la France dénonce depuis des mois une campagne de désinformation russe menée contre elle en ligne.

Des accusations qualifiées d'
"infondées"
par le Kremlin.

Le Bélarus étant allié à la Russie, ses athlètes, tout comme les Russes, ne peuvent participer à l'événement que sous drapeau neutre.

"Nous contrôlons absolument toutes ceux qui approchent des Jeux olympiques"
, affirmait en mars le ministre français de l'Intérieur, Gérald Darmanin, ajoutant qu'environ 800 personnes qui "n'avaient pas de bonnes intentions" avaient alors été exclues.

Sur les 300.000 personnes ayant postulé pour être volontaires aux Jeux olympiques (26 juillet-11 août) et paralympiques (28 août-8 septembre), seules 45.000 ont été choisies.

Questionné spécifiquement sur le cas des volontaires russes et bélarusses, le ministère français de l'Intérieur s'est refusé à tout commentaire.


"Nous ne pouvons qu'exprimer nos regrets"
, a de son côté réagi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, ajoutant que les organisateurs privaient les invités russophones des Jeux de l'aide des volontaires
"qui pouvaient le mieux les aider".

Dzmitry Shaliapin, un Bélarusse de 19 ans étudiant à la Sorbonne, raconte avoir pleuré cette semaine lorsqu'il a appris son rejet. "I
ls nous traitent comme des terroristes devant le monde entier",
déplore-t-il.

"Cette situation est un cadeau pour Poutine et sa propagande"
, tonne de son côté une Russe de 45 ans, dont la candidature a également été suspendue, bien qu'elle ait obtenu l'asile en France après l'invasion russe de l'Ukraine et qu'elle ait remis son passeport russe.

"Dilemme"


Alors que
"le sport est l'antithèse de la guerre",
cette décision ne fera que renforcer le discours du président russe Vladimir Poutine, pour qui l'Occident est en guerre contre la Russie, juge cette professeure de langues qui requiert l'anonymat.

Ekaterina Pimenova, une habitante de Saint-Pétersbourg de 18 ans, s'était, elle, inscrite comme bénévole aux Jeux paralympiques. Elle affirme avoir dépensé environ 2.000 euros pour des billets d'avion aller-retour et un hébergement en France. Puis le mail de refus lui est parvenu.


"Je ne sais pas pourquoi cela s'est produit. Je n'ai pas de casier judiciaire",
s'interroge Mme Pimenova, qui étudie le français depuis 12 ans et dit admirer la culture française.

La France veut jouer la carte de la sécurité, estime Mark Galeotti, expert des services de sécurité russes.

"Cependant, il y a toujours un dilemme, à savoir s'il faut pécher par excès de prudence et finir par exclure des personnes tout à fait innocentes, ou s'il faut être généreux et risquer de laisser entrer des agents russes".

Jules Boykoff, professeur de sciences politiques à l'université du Pacifique dans l'Oregon, s'interroge, lui, sur une éventuelle
"discrimination"
contre les Russes.

Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par Moscou, de nombreux Russes résidant en Occident ont été affectés par les retombées des sanctions occidentales. Certains ne peuvent pas ouvrir de comptes bancaires, d'autres ont vu leurs comptes suspendus.


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