Taekwondo: Une fédération sous surveillance en Autriche

La rédaction avec
15:5611/03/2025, Tuesday
AFP
Logo de la Fédération internationale de Taekwondo autrichienne.
Crédit Photo : ITF Austria / ITF Austria
Logo de la Fédération internationale de Taekwondo autrichienne.

L’Autriche surveille de près la Fédération internationale de Taekwon-Do (ITF), soupçonnée de liens avec le régime nord-coréen. Son président, Ri Yong Son, a obtenu le droit de rester à Vienne malgré des accusations de financement occulte.

Depuis près de 40 ans, la Fédération internationale de Taekwon-Do (ITF) opère discrètement depuis une maison modeste en périphérie de Vienne. Mais cette organisation, accusée par l’Autriche de liens avec le régime nord-coréen, suscite la controverse.


Une fédération au cœur d’une rivalité historique


Fondée en 1966 par le général sud-coréen Choi Hong-Hi, décédé en 2002 à Pyongyang, l’ITF est la plus ancienne des organisations dédiées au taekwondo. Ce sport, profondément divisé entre les influences nord et sud-coréennes, reflète les tensions de la péninsule.


Présente dans
"au moins cent pays"
, l’ITF revendique
"plus de 100.000 adhérents"
, selon un responsable ayant répondu sous anonymat par méfiance envers les médias. Son rôle consiste à organiser des championnats et délivrer des certificats aux maîtres enseignant le taekwondo selon la méthode nord-coréenne.

Toutefois, l’ITF n’est pas reconnue par le Comité international olympique (CIO), qui lui préfère la Fédération mondiale de taekwondo (WT), basée en Corée du Sud. Cette dernière, créée en 1980, respecte
"les statuts, la pratique et les activités"
conformes à la Charte olympique, indique le CIO.

Alors que le taekwondo a fait son entrée aux Jeux olympiques de Sydney en 2000, l’ITF a poursuivi ses activités depuis Vienne.

Soupçons de financement occulte


Cette présence suscite des inquiétudes. Une décision de justice de juillet 2024 révèle que l’Autriche avait ordonné en mars 2020 l’expulsion de Ri Yong Son, président de l’ITF.


Les autorités considéraient que le renouvellement de son permis de travail
"nuirait à la réputation"
de Vienne, le soupçonnant de
"fournir des devises au régime nord-coréen"
. En mai 2024, il percevait un salaire brut mensuel de 5.256 euros.

Après un long bras de fer judiciaire, Ri Yong Son a finalement obtenu le droit de rester. La Cour administrative de Vienne a estimé que le gouvernement n’avait pas apporté la preuve d’un financement occulte.


L’ITF s’estime blanchie et affirme n’avoir
"aucun contact avec l’État nord-coréen".
Elle assure qu’
"aucun contournement des sanctions des Nations Unies"
n’a été constaté.

Des liens avec Pyongyang dénoncés


Pour Jihyun Park, dissidente nord-coréenne réfugiée au Royaume-Uni, ces affirmations sont douteuses.
"Ri Yong Son n’est certainement pas un simple sportif"
, déclare-t-elle.
"Lui, sa femme et son fils sont des agents."

Elle juge
"urgent"
que
"l’ITF quitte Vienne"
, surtout alors que Pyongyang renforce ses liens avec Moscou.

La Corée du Nord et la Russie ont signé un accord de défense entré en vigueur en décembre 2024. Plus de 10.000 soldats nord-coréens auraient été envoyés en Ukraine, selon des agences de renseignement occidentales.

Le tribunal autrichien a retracé les déplacements de Ri Yong Son entre Pyongyang et Vienne. Il s’est installé pour la première fois en Autriche en 1996, avant de repartir en 2000, de revenir en 2002, de repartir en 2012 et de s’établir à nouveau en 2015. Son fils est retourné en Corée du Nord en 2019.


Une surveillance accrue


Face à ces tensions, l’Autriche renforce ses contrôles. Un autre Nord-Coréen, pressenti pour intégrer le bureau de l’ITF, n’a jamais obtenu de visa.


L’ITF elle-même a communiqué cette information, cherchant à démontrer sa transparence. Pourtant, elle reste sous haute surveillance.


Le directeur des services de renseignement autrichiens, Omar Haijawi-Pirchner, affirme porter une
"attention particulière"
à la Corée du Nord, aux côtés de la Russie, de l’Iran et de la Chine.

Toutefois, selon l’expert en espionnage Siegfried Beer, l’Autriche, avec ses 9,2 millions d’habitants, manque de ressources pour mener des enquêtes approfondies.
"Le personnel et l’expertise font défaut, sans parler des compétences linguistiques"
, souligne-t-il.

L’Autriche, carrefour de l’espionnage


En raison de son statut de pays neutre depuis la guerre froide, Vienne est devenue un centre stratégique où de nombreuses organisations internationales sont basées. Cette position lui confère une réputation de
"nid d’espions".

L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) offrent un cadre où immunités diplomatiques et activités clandestines peuvent se croiser.


En 2010, l’ancien diplomate nord-coréen Kim Jong-Ryul a révélé avoir acheté des armes et des produits de luxe en Autriche pendant 20 ans, avant de faire défection en 1994.

La Corée du Nord aurait même fait imprimer ses passeports en Autriche, selon la presse locale. Kim Kwang-sop, beau-frère du fondateur du régime Kim Il-sung, y a été ambassadeur pendant 27 ans, jusqu’en 2020.


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