L’humanité juge – 3 : Un verdict enfin rendu

11:5030/10/2025, jeudi
MAJ: 30/10/2025, jeudi
Ersin Çelik

Dans mes deux précédentes chroniques, j’expliquais comment le droit international avait failli et comment le Tribunal de Gaza – dit "Jury de la Conscience" – avait minutieusement documenté l’anatomie glaçante du génocide : la famine organisée, la destruction urbaine, l’effondrement du système de santé et les assassinats de journalistes. Le processus judiciaire, entamé à Londres, poursuivi à Sarajevo et conclu à İstanbul, dans la salle de conférence Prof. Dr. Cemil Bilsel de l’Université d’Istanbul,

Dans mes deux précédentes chroniques, j’expliquais comment le droit international avait failli et comment le Tribunal de Gaza – dit
"Jury de la Conscience"
– avait minutieusement documenté l’anatomie glaçante du génocide : la famine organisée, la destruction urbaine, l’effondrement du système de santé et les assassinats de journalistes.

Le processus judiciaire, entamé à Londres, poursuivi à Sarajevo et conclu à İstanbul, dans la salle de conférence Prof. Dr. Cemil Bilsel de l’Université d’Istanbul, s’est terminé après quatre jours d’audiences et plus de
150 témoignages, par l’annonce du verdict final.

Un rappel à la conscience du monde académique


Lors de la séance d’ouverture, le recteur de l’Université d’Istanbul,
Prof. Dr. Osman Bülent Zülfikar,
a rappelé que la science ne pouvait demeurer silencieuse face à l’oppression :

Tuer injustement, chasser des populations de leur terre, cela existait hier, cela existe encore aujourd’hui. Si nous ne voulons pas que cela continue demain, nous devons réagir. Et il faut suivre avec rigueur les moyens d’empêcher que de telles situations se reproduisent.

Ces mots visaient directement le
silence assourdissant et la décadence morale du monde universitaire occidental.

On se souvient du scandale aux États-Unis : lors d’une audition humiliante au Congrès, les rectrices de
Harvard, UPenn
et
MIT
furent publiquement interrogées à cause des manifestations pro-palestiniennes sur leurs campus. Sous pression politique et financière,
Liz Magill (UPenn)
et
Claudine Gay (Harvard)
durent démissionner.

Ce double épisode a révélé combien les bastions occidentaux de la liberté académique s’effondrent dès qu’il s’agit d’Israël. Non seulement prendre position contre le génocide devient tabou, mais même la tolérance envers les voix critiques est bannie. Ainsi, l’appel du
Prof. Zülfikar depuis İstanbul
"la science ne doit pas se taire"
– prend la valeur d’un manifeste : celui d’un savoir qui refuse la soumission morale.

"Le vrai travail commence maintenant"


Taha Ayhan
, président du
Forum de la jeunesse de l’Organisation de la coopération islamique (ICYF)
, qui a assuré le soutien logistique du tribunal, a expliqué que cette initiative,
"totalement indépendante"
, reposait sur une responsabilité intellectuelle et morale. Selon lui, le Tribunal de Gaza a exposé au grand jour
"l’absence de reddition de comptes, la faillite du système international et l’injustice profonde subie par un peuple vivant sous occupation et agression".

Il a ajouté :


Ce verdict n’est pas une fin mais un commencement. Nous avons désormais un jugement entre nos mains ; à nous de convaincre les décideurs, les législateurs et les juges du monde entier. Nous devons traduire les auteurs du génocide, leurs complices et leurs blanchisseurs devant la justice.

"Quand le droit se tait, la conscience devient le dernier recours"


Dans la lecture du verdict, la présidente du Jury,
Christine Chinkin
, a résumé l’esprit du tribunal :

"Dirigé par la conscience et éclairé par le droit international, le Jury n’a pas l’autorité des États. Mais quand le droit se tait face à la force, la conscience devient la dernière instance. Le Tribunal de Gaza est une réponse civile au déni de justice entourant les crimes de génocide commis par Israël dans la bande de Gaza."

Elle a précisé que nommer et documenter le génocide était indispensable, car
l’impunité alimente la spirale mondiale de la violence.

Ce qui se passe à Gaza est une affaire de toute l’humanité. Quand les États se taisent, la société civile doit parler.

La méthodologie du génocide


Le verdict détaille les crimes commis, considérés comme un
plan d’extermination systématique
, qui ne s’achèvera pas avec un simple cessez-le-feu :

*
Famine délibérée
: privation organisée de nourriture, d’eau et de ressources vitales.
*
Destruction des foyers
: anéantissement du tissu résidentiel et urbain.
*
Écocide
: pollution de la terre, de l’air et de l’eau pour détruire les moyens de subsistance.
*
Effondrement du système de santé
: ciblage des hôpitaux et du personnel médical.
*
Négation du droit à la reproduction
: entrave aux naissances et à la continuité des générations.
*
Éradication du savoir
: assassinat d’étudiants, d’universitaires, destruction d’écoles et d’universités.
*
Assassinats de journalistes
: mise à mort de ceux qui documentent le génocide – un nombre record dans l’histoire des conflits.

Le Jury souligne que ces actes ne sont pas des "dommages collatéraux", mais des instruments du génocide.

Les gouvernements occidentaux, complices du crime


L’un des points les plus marquants du verdict concerne la
complicité des puissances occidentales
, notamment des
États-Unis
, qui soutiennent Israël militairement, diplomatiquement, économiquement et technologiquement.

Le texte désigne aussi
les médias, universités, banques et multinationales
– dont
Microsoft
et
Amazon
– comme parties prenantes de ce système d’oppression qualifié de
"forme d’impérialisme extrême du XXIe siècle"
.

Quant à l’ONU, le Jury estime qu’elle a trahi sa mission fondatrice à cause du
droit de veto et de la partialité politique
.

"Plus aucune ligne rouge"


Le président du tribunal,
Prof. Richard Falk
, a rappelé que cette Cour civile s’inscrivait dans la lignée du
"Tribunal Russell"
sur le Vietnam.

Il a averti :

"Si les responsables israéliens et leurs alliés occidentaux échappent à la justice, et si les survivants palestiniens ne reçoivent ni réparation ni libération totale du joug du sionisme et du colonialisme, alors le monde aura validé l’un des pires crimes de son histoire."

Il a rejeté les soi-disant
"plans de paix"
comme ceux de
Trump
ou
Macron
, les qualifiant de violations du droit à l’autodétermination du peuple palestinien.

La reconstruction de Gaza doit être dirigée par les Palestiniens eux-mêmes, et Israël ainsi que ses complices doivent assumer tous les dédommagements.

En conclusion : "Nous voulons la justice"


Le verdict se clôt sur un appel limpide :


"Nous exigeons que les auteurs et leurs complices rendent des comptes ; que les victimes soient indemnisées ; que le colonialisme sioniste, l’occupation et l’apartheid soient éradiqués ; que toute normalisation avec ce régime criminel soit rejetée, et qu’enfin la Palestine soit libre. En un mot : nous voulons la justice."

Note du journaliste


L’idée du Tribunal de Gaza a émergé au moment où le système international montrait son échec total. C’est une réponse née du désespoir et de la lucidité :
quand le droit officiel est paralysé, la conscience collective devient un tribunal moral.

Malgré son âge et ses problèmes de santé,
Richard Falk
a accepté de présider ce tribunal – un acte de courage et un guide pour ceux qui cherchent une voie d’action contre le génocide.

Réunis autour de lui, les membres du Jury de la Conscience incarnent une résistance intellectuelle face à la censure et à la peur qui règnent en Occident. D’abord ignoré, ce tribunal citoyen a, en un an, tenu trois sessions
(Londres, Sarajevo, İstanbul)
, prouvant qu’une société civile déterminée peut bâtir un
corpus de preuves
et une
morale juridique alternative
face à l’impunité.

Et derrière cette organisation, de nombreux intellectuels et volontaires, notamment de
La Türkiye
, ont travaillé avec un dévouement absolu. Leur nom importe peu ; leur effort restera dans l’histoire.

Leur travail ne sera pas vain : le jour où le cours de l’histoire se renversera en faveur de Gaza, le monde entier saura comment
une poignée de consciences libres a su acculer Israël à la vérité
.

A lire également:




#Gaza
#Tribunal de la Conscience
#Richard Falk
#Christine Chinkin
#Taha Ayhan
#ICYF
#Israël
#génocide
#justice
#conscience
#La Türkiye
#Palestine
#droit international
#impunité
#société civile.
#Turquie