L’Amérique se prépare-t-elle à envahir le Venezuela ?

09:5619/11/2025, mercredi
MAJ: 19/11/2025, mercredi
Kadir Üstün

Trump multiplie depuis plusieurs semaines les signaux d’une possible intervention militaire visant un changement de régime au Venezuela. Le Pentagone justifie cette escalade en affirmant que le trafic de drogue et le ""narco-terrorisme"" représenteraient une menace directe pour la sécurité des États-Unis. Sous ce prétexte, Washington mène déjà des opérations d’élimination extrajudiciaire contre des embarcations soupçonnées de transporter de la drogue, et ce en pleine mer. L’envoi de renforts navals

Trump multiplie depuis plusieurs semaines les signaux d’une possible intervention militaire visant un changement de régime au Venezuela. Le Pentagone justifie cette escalade en affirmant que le trafic de drogue et le ""narco-terrorisme"" représenteraient une menace directe pour la sécurité des États-Unis. Sous ce prétexte, Washington mène déjà des opérations d’élimination extrajudiciaire contre des embarcations soupçonnées de transporter de la drogue, et ce en pleine mer.


L’envoi de renforts navals dans les Caraïbes ainsi que l’annonce, par Donald Trump, de l’autorisation donnée à la CIA de conduire des opérations à l’intérieur du Venezuela renforcent les inquiétudes d’un scénario de guerre.


Alors qu’il privilégiait durant son premier mandat la pression maximale et l’isolement diplomatique, Trump semble désormais miser sur les opérations militaires et de renseignement. Si le spectre d’une intervention susceptible de devenir un
"nouveau Vietnam"
en Amérique du Sud se précise, il reste confronté à de sérieux obstacles légaux et politiques.
Et même si Trump affirme que Nicolás Maduro serait
"ouvert au dialogue"
, cette posture pourrait surtout signifier que Washington se contente, dans l’immédiat, d’une démonstration de force plutôt que d’une invasion totale.


Derrière le prétexte de la lutte antidrogue


Il apparaît clairement que la stratégie américaine ne repose pas uniquement sur la lutte contre le trafic de drogue. En qualifiant officiellement le Venezuela d’État producteur de
"narco-terrorisme"
, Trump avance l’idée que ce trafic constituerait une menace directe contre la sécurité nationale américaine.

Un récit qui lui permet de contourner l’obligation constitutionnelle d’obtenir une déclaration de guerre formelle du Congrès, et d’agir militairement sans mandat.

L’importante concentration de forces navales dans les Caraïbes, les nouvelles prérogatives accordées à la CIA et les quelque vingt attaques déjà menées contre des bateaux accusés de trafic montrent clairement que Washington vise un objectif plus large.


L’administration Trump, qui ne cache pas sa volonté de renverser le régime Maduro, laisse entendre que l’option militaire demeure sérieusement sur la table.

Pourtant, un scénario plus réaliste serait celui d’une pression accrue destinée à provoquer l’effondrement intérieur du régime plutôt que d’un renversement direct par les forces américaines. Trump pourrait chercher à renforcer son image de fermeté tout en évitant à son pays les coûts politiques, humains et financiers d’une nouvelle guerre.

Une stratégie de siège flexible, faite d’opérations ponctuelles et répétées, serait plus probable qu’une invasion massive. Elle viserait aussi à envoyer un message à la Russie et à la Chine, dont l’influence n’a cessé de croître dans la région :
"La zone reste sous contrôle américain".

La pression exercée sur un pays qui possède les plus grandes réserves de pétrole au monde offre à Washington un avantage décisif dans la compétition stratégique avec Moscou et Pékin.


Entre intervention limitée et risques géopolitiques


L’administration Trump semble davantage se diriger vers une intervention hybride fondée sur des opérations militaires limitées et progressives plutôt que vers une invasion terrestre classique.


La présence navale près des côtes vénézuéliennes permet un blocus maritime, des frappes ciblées et des opérations d’encerclement. L’intensification potentielle des activités de la CIA et des forces spéciales pourrait affaiblir le régime de l’intérieur.


Mais plus la rhétorique militaire américaine s’intensifie, plus Maduro peut renforcer son assise interne, durcir la répression et mobiliser son camp.

Washington ne souhaite ni un nouveau Vietnam, ni un Irak ou un Afghanistan bis. Le scénario le plus probable serait donc une intervention où la lutte antidrogue servirait de couverture à une stratégie de changement de régime. Personne ne s’attend à ce que la chute du pouvoir vénézuélien soit aussi
"simple"
que celle de Manuel Noriega lors de l’invasion du Panama en 1990.

Face à l’hypothèse d’une intervention, de nombreux obstacles demeurent : l’opinion publique américaine refuse catégoriquement tout nouvel engagement militaire, et l’idée d’obtenir un vote favorable du Congrès est irréaliste. C’est précisément pour contourner cette impasse que Trump met en avant l’argument du narco-terrorisme.


Son impopularité grandissante — inflation persistante, politique migratoire rejetée par une partie de l’électorat hispanique, retombées du scandale Epstein — fragilise aussi ses marges de manœuvre.


À cela s’ajoutent les protestations déjà exprimées par le Brésil, la Colombie et le Mexique, signe qu’une intervention américaine ne bénéficierait d’aucun soutien régional.

L’armée russe présente au Venezuela offre par ailleurs à Vladimir Poutine la possibilité de réagir directement à toute opération américaine.

Dans ce contexte, tout indique que Trump privilégiera une stratégie de pression intense mais contrôlée plutôt qu’une invasion classique.


En cherchant à affaiblir le gouvernement Maduro, Washington veut rappeler que l’acteur central en Amérique latine reste les États-Unis. Mais une invasion totale demeure improbable. Le déploiement naval et les opérations extrajudiciaires menées sous couvert de lutte antidrogue visent avant tout à montrer que Washington dicte encore les règles dans la région.


Le Venezuela apparaît ainsi comme l’un des principaux terrains du bras de fer stratégique entre les États-Unis, la Russie et la Chine.

Pour Trump, le scénario idéal serait qu’une pression maximale entraîne la chute de Maduro au profit d’un pouvoir plus favorable à Washington. Le pire : s’enliser dans une guerre de guérilla interminable.


Il est donc probable que la Maison-Blanche opte pour une voie intermédiaire : poursuivre des opérations militaires limitées tout en évitant l’engrenage d’une guerre ouverte.

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