
Les Ivoiriens se rendront aux urnes samedi pour élire leur prochain président, lors d’un scrutin très attendu considéré comme un test de stabilité et de confiance démocratique dans l’une des économies les plus dynamiques d’Afrique de l’Ouest.
Depuis le mois de juin, des manifestations ont entraîné des affrontements et des arrestations, tandis qu’une interdiction de deux mois des rassemblements non liés aux candidats a encore accentué les tensions.
Les partisans de Ouattara lui attribuent la relance de la Côte d’Ivoire après des années d’instabilité. Entre 2012 et 2019, le pays a enregistré une croissance moyenne du PIB de 8,2 %, selon la Banque mondiale l’une des plus rapides d’Afrique. La croissance est restée solide depuis la pandémie de COVID-19.
Sa candidature à un quatrième mandat découle d’une révision constitutionnelle de 2016 qui a remis à zéro le compteur des mandats présidentiels – une décision que ses opposants jugent antidémocratique.
Les candidats en lice
Ouattara affronte quatre adversaires, bien que l’opposition dénonce un déséquilibre dans la compétition.
Jean-Louis Billon, 60 ans, ancien ministre du Commerce et homme d’affaires, représente le Congrès démocratique (CODE). Il est considéré comme le principal rival du président sortant, soutenu par le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA) de l’ex-PDG de Credit Suisse Tidjane Thiam.
Thiam, qui a renoncé à sa nationalité française en mars, a été disqualifié en avril pour cause de double nationalité, une décision qui a suscité la colère de l’opposition. Billon promet une gouvernance inclusive, des réformes contre la corruption et la création d’emplois par le secteur privé.
Simone Ehivet Gbagbo, 76 ans, ancienne Première dame et épouse de l’ex-président Laurent Gbagbo, conduit le Mouvement des générations capables (MGC). Candidate indépendante, elle met l’accent sur la justice sociale, l’autonomisation des femmes, le développement rural et la santé, séduisant ainsi l’électorat rural.
Le Conseil constitutionnel a interdit à son mari, Laurent Gbagbo, de se présenter en raison de son casier judiciaire, conformément au code électoral. Arrêté en 2011 à la demande de la Cour pénale internationale (CPI) pour des accusations de meurtre et de viol, il a été acquitté en 2019.
Ahoua Don Mello, 67 ans, ancien porte-parole de Gbagbo, se présente en indépendant après avoir été exclu du Parti des peuples africains Côte d’Ivoire (PPA-CI). Il prône une réforme monétaire, notamment l’abandon du franc CFA, la souveraineté en matière de défense et une mobilisation des électeurs, jugeant la participation essentielle pour éviter un boycott similaire à celui de 2020.
Henriette Adjoua Lagou, 69 ans, du Front populaire ivoirien (FPI), axe sa campagne sur la réconciliation nationale, la justice de genre et la lutte contre la corruption. Ancienne ministre de l’Éducation sous Gbagbo, elle rejette les accusations d’alignement avec le pouvoir et se présente comme une réformatrice indépendante.
Divisions et contexte sociopolitique
Les fractures ethniques issues de la guerre civile de 2002-2007 et de la crise post-électorale de 2010 – qui avait fait environ 3 000 morts – demeurent ancrées, les rivalités Nord-Sud continuant de façonner les allégeances politiques. Ces tensions restent étroitement liées à la rivalité durable entre Ouattara et Gbagbo, dont les partisans conservent une forte influence dans le sud du pays.
Des inquiétudes sécuritaires persistent le long des frontières nord, notamment en raison du conflit au Burkina Faso voisin, où des attaques sporadiques de groupes armés font craindre une propagation de l’instabilité.
Le débat sur le franc CFA, monnaie historiquement liée à la France, reste vif, avec des appels croissants à une souveraineté monétaire.
Système électoral et perspectives
L’élection se déroulera selon un scrutin majoritaire à deux tours : un candidat doit obtenir plus de 50 % des voix pour être élu dès le premier tour, faute de quoi un second tour opposera les deux premiers.
La Commission électorale indépendante (CEI) supervise le processus et publiera des résultats provisoires dans un délai de cinq jours, avant la validation finale par le Conseil constitutionnel.
La campagne électorale, menée du 10 au 23 octobre, a été encadrée par des restrictions sur l’usage des véhicules publics, la publication des sondages et les discours incendiaires.
Des observateurs internationaux de la CEDEAO et de l’Union africaine surveillent le scrutin pour en garantir la transparence.
Les rares sondages disponibles suggèrent que Ouattara reste favori, fort de son score de 94 % obtenu lors de l’élection de 2020.
Un sondage du Messina Group, réalisé entre août et septembre, révèle que 66 % des électeurs de 2020 de Ouattara soutiendraient Tidjane Thiam dans une hypothèse de duel.
La participation électorale, qui dépassait 50 % en 2015 et 2020, pourrait à nouveau être faible en raison des exclusions de candidats et des appels au boycott.








