France / Budget 2026 : la majorité en quête d’un compromis introuvable

La rédaction avec
14:4224/10/2025, vendredi
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Cette photographie montre une vue générale de l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement français, lors d'une session consacrée au report du renouvellement général du Congrès et des assemblées provinciales de Nouvelle-Calédonie, à Paris, le 22 octobre 2025.
Crédit Photo : ALAIN JOCARD / AFP
Cette photographie montre une vue générale de l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement français, lors d'une session consacrée au report du renouvellement général du Congrès et des assemblées provinciales de Nouvelle-Calédonie, à Paris, le 22 octobre 2025.

Le gouvernement français s’apprête à défendre un budget 2026 sous haute tension politique. L’examen du texte débute ce vendredi 24 octobre à l’Assemblée nationale, dans un hémicycle fragmenté, sans majorité.

Déjà rejeté en commission des finances, le projet de loi de finances (PLF) cristallise les désaccords entre les forces politiques sur la fiscalité, le déficit public et la justice sociale. Le texte présenté par le gouvernement contient plusieurs mesures sensibles, et les débats s’annoncent longs et tendus.


Un débat budgétaire sous haute tension


Le débat débute sur la base de la copie initiale du gouvernement. Pas moins de 3 585 amendements ont été déposés sur le seul volet des recettes. Même si certains seront jugés irrecevables, huit jours de discussions sont programmés.


Contrairement à ses prédécesseurs en 2024, le Premier ministre Sébastien Lecornu s’est engagé à ne pas recourir à l’article 49.3, qui permet d’interrompre les débats et d’adopter un texte sans vote. Mais sans majorité absolue, chaque voix comptera pour tenter de faire adopter un compromis sur le déficit public, que le gouvernement veut ramener à 4,7 % du PIB, contre 5,5 % en 2025, tout en poursuivant la trajectoire de retour sous les 3 % d’ici à 2029.

Le calendrier est serré. La première partie du budget, consacrée aux recettes, doit être examinée avant le 31 octobre, celle sur les dépenses à partir du 12 novembre. L’adoption finale est attendue avant le 31 décembre, faute de quoi le gouvernement pourrait recourir à des mesures exceptionnelles.


Premiers affrontements en commission des finances


En commission des finances, le texte a déjà été largement rejeté ce mercredi 22 octobre, par la gauche, le Rassemblement national et Les Républicains, malgré les appels au compromis. Ce rejet massif reflète la difficulté du gouvernement à bâtir des alliances de circonstance.
"Ça va être un budget Frankenstein"
, a prévenu Daniel Labaronne, député Renaissance, évoquant un texte qui risque de mélanger des mesures contradictoires au gré des coalitions de vote.

Le chef du groupe socialiste, Boris Vallaud, a lui menacé de déposer une motion de censure si le texte ne comporte
"aucune mesure sérieuse de justice fiscale"
.

Les principales mesures en débat


Impôt exceptionnel sur les hauts revenus, adopté


La contribution différentielle sur les hauts revenus, instaurée en 2025, est prolongée.


Elle fixe un taux d’imposition minimum de 20 % au-delà de 250 000 € pour une personne seule (500 000 € pour un couple). Un amendement LR prévoit de la maintenir jusqu’à ce que le déficit repasse sous 3 % du PIB, soit pas avant 2029.


Pensions alimentaires, défiscalisation partielle, adoptée


Les pensions alimentaires jusqu’à 4 000 € par enfant (12 000 € par an) ne seront plus soumises à l’impôt sur le revenu. Le parent verseur pourra ajouter une demi-part fiscale à son quotient familial pour compenser la perte.


"Exit tax", adoptée


Les députés ont voté le retour de cette taxe sur les plus-values lors du départ fiscal à l’étranger, supprimée en 2019. L'objectif étant de lutter contre l’évasion fiscale. Soutenue par la gauche, la mesure a aussi reçu l’appui du RN et de LR.


Taxe sur les Gafam, modifiée


Le taux de la taxe sur les services numériques américains passe de 3 % à 15 %, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires mondial dépasse 2 milliards €. Le gouvernement espère en tirer plusieurs milliards d’euros de recettes supplémentaires.


Taxe sur les holdings patrimoniales, modifiée


Initialement destinée à taxer les patrimoines financiers supérieurs à 5 millions €, la mesure a été remplacée par une taxation seulement en cas de succession. Un malentendu en commission pourrait cependant rouvrir le débat dans l’hémicycle.


Barème de l’impôt sur le revenu, modifié


Le gel du barème a été partiellement corrigé. La première tranche (revenus inférieurs à 11 497 €) sera indexée sur l’inflation, mais pas les autres. La gauche réclamait une indexation complète.


Taxe Zucman et ISF, rejetés


Les propositions d’un impôt plancher sur les patrimoines supérieurs à 100 millions €, du retour de l’ISF et d’un "ISF climatique" ont été rejetées, la majorité et le RN craignant un risque d’exil fiscal.


Abattement fiscal des retraités, rejeté


La transformation de l’abattement de 10 % en forfait de 2 000 € par personne a été massivement rejetée, tous bords confondus. Les oppositions ont dénoncé une hausse d’impôt déguisée pour de nombreux retraités.


Carburants E85 et B100, maintien des avantages fiscaux


La commission a refusé de réduire les avantages pour les carburants à base d’éthanol et de colza, très utilisés par les particuliers et les transporteurs.


Des finances publiques sous surveillance


Les débats budgétaires s’ouvrent alors que la situation financière de la France est scrutée de près par les marchés et les agences de notation.


Après Fitch, DBRS et S&P Global Ratings, l’agence Moody’s doit publier ce vendredi son évaluation de la dette française. Les trois premières ont déjà abaissé la note souveraine d’un cran, invoquant l’instabilité politique depuis la dissolution et une dette publique attendue à 121 % du PIB d’ici à 2028.

"C’est un nuage supplémentaire sur un ciel déjà gris"
, a reconnu Roland Lescure, ministre de l’Économie, appelant à
"la lucidité et la responsabilité"
.

Selon S&P, la lenteur du redressement budgétaire et l’approche de la présidentielle de 2027 accentuent les risques sur la trajectoire des finances publiques.


Un risque de blocage institutionnel


Si le budget est rejeté, il sera examiné au Sénat, où la droite majoritaire devrait le modifier à son tour. Une commission mixte paritaire (CMP) pourrait alors tenter de trouver un compromis, mais les chances d’accord sont faibles.


En cas d’échec, le gouvernement dispose de deux options, soit de faire adopter le budget par ordonnances, via l’article 47 de la Constitution, soit de déposer une loi spéciale autorisant la perception des impôts et les emprunts de l’État.

Mais ces scénarios risquent d’enflammer davantage le climat politique. De LFI au RN, tous les groupes d’opposition menacent de motions de censure spontanées si l’exécutif contourne le Parlement.


"Le plus probable, c’est que le budget ne passera pas, soit il y aura des ordonnances, soit une loi spéciale".
estime Éric Coquerel, président LFI de la commission des finances.

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