Elisabeth Borne, Première ministre française en perte de crédit

12:0219/03/2023, dimanche
MAJ: 19/03/2023, dimanche
AFP
Élisabeth Borne, Première ministre de la République française. Crédit photo: AFP - LUDOVIC MARIN
Élisabeth Borne, Première ministre de la République française. Crédit photo: AFP - LUDOVIC MARIN

Elisabeth Borne, à l'émouvante histoire personnelle, est très fragilisée par la réforme controversée des retraites.

Elle n'est que la deuxième femme Première ministre en France et pourrait connaître un destin aussi éphémère à cette charge que sa prédécesseure il y a trente ans.


Nommée il y a un peu plus de dix mois, cette ex-ministre du Travail et de l'Ecologie, issue de la gauche, devait être un atout majeur d'Emmanuel Macron pour sa réforme phare annoncée dès 2017, avant sa première élection comme président.


"Je voudrais dédier cette nomination à toutes les petites filles, en leur disant: Allez au bout de vos rêves et rien ne doit freiner le combat pour la place des femmes dans notre société !",
lançait-elle, souriante, lors de sa prise de fonctions le 16 mai 2022.

Une réussite exceptionnelle pour cette sexagénaire aux lunettes fines, dont la vie a basculé avec le suicide de son père, un ancien résistant de confession juive qui avait survécu aux camps de concentration. Elle avait alors 11 ans.


Mme Borne, née Bornstein, raconte en février devant le Crif, la principale organisation juive française:


Il y a des dates, qui marquent un destin. Pour mon père, mais en réalité pour toute ma famille, c’est le 25 décembre 1943.

"Ce jour-là, avec mon grand-père et mes oncles, il a été arrêté par la Gestapo. Puis ce furent les wagons plombés, les ordres, les coups, les humiliations. Drancy, Auschwitz. Ils étaient 1.250 au départ. Six sont revenus".
Parmi les survivants,
"certains ont réussi à garder le goût de l'espérance et la foi dans la vie. D’autres non. Je ne le sais que trop bien"
.

Premiers orages


Pour se maintenir la tête hors de l'eau, l'adolescente indique s'être
"plongée dans les maths"
, ce qui l'a
"amenée à Polytechnique"
, une prestigieuse école d'ingénieurs intégrée comme
"pupille de la nation"
(subventionnée par l'Etat), sa mère n'ayant
"pas de ressources"
.

"On est un pays où on peut être fille d'immigré, où on peut avoir perdu son père à 11 ans et le pays vous tend la main pour vous permettre faire des études. Et vous êtes préfète, puis vous êtes ministre et vous êtes même Première ministre"
, a-t-elle décrit sur la chaîne télévisée LCI.

A ce poste, Elisabeth Borne, divorcée et mère d'un garçon, entrevoit de premier orages en octobre quand elle présente les grands axes de la réforme des retraites à l'opposition... et enregistre l'hostilité immédiate des formations de gauche.


Elle constate aussi une relative entente avec la droite classique dont les voix sont indispensables pour une approbation à l'Assemblée nationale, où l'exécutif n'a pas de majorité absolue.


Le report de l'âge de départ à la retraite, initialement envisagé à 65 ans contre 62 aujourd'hui, est fixé à 64 ans, pour ne pas braquer le pays. Mais une grande majorité des Français est contre. Depuis mi-janvier, des journées de manifestations nationales réunissent des centaines de milliers de personnes.


"Principale perdante"


En manque de voix pour un vote positif, huée par l'opposition, Elisabeth Borne annonce jeudi utiliser l'article 49.3 de la Constitution qui permet une adoption sans vote si aucune motion de censure n'aboutit.


Alors qu'elle pronait le consensus et un scrutin, au final
"c’est elle qui apparaît comme la principale perdante"
, affirme à l'AFP l'historien et politologue Jean Garrigues.

Elisabeth Borne semble prête à quitter son poste alors que le recours au 49.3 - un
"déni de démocratie"
pour beaucoup - a relancé une contestation sociale qui s'étiolait.

"Elle a dit au président :
(...)
Je pense que cette réforme est utile, nécessaire. C’est moi le fusible, à moi d’assumer",
témoigne un conseiller présidentiel.
"L'enjeu, c'est d'assurer l'avenir de notre système de retraites"
,
"ce n'est pas un enjeu personnel"
, a encore assuré jeudi Mme Borne.

La socialiste Edith Cresson, la première femme Première ministre en France, n'était restée en fonctions que 10 mois et 18 jours entre 1991 et 1992. Mme Borne devrait dépasser cette durée, sauf improbable scénario lundi qui verrait les députés de toute l'opposition s'unir pour faire tomber son gouvernement. Deux motions de censure ont été déposées.


Mme Borne est
"respectée en tant que femme",
selon la sénatrice socialiste Laurence Rossignol. Mais
"en tant que Première ministre elle peut être critiquée".

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