Quatre choses à retenir de la guerre imposée par Israël à l'Iran

Alioune Aboutalib Lo
12:3725/06/2025, Çarşamba
MAJ: 25/06/2025, Çarşamba
Yeni Şafak
Vue générale d'une réunion du Conseil de sécurité sur le conflit israélo-iranien au siège des Nations Unies le 24 juin 2025 à New York.
Crédit Photo : ANGELA WEISS / AFP
Vue générale d'une réunion du Conseil de sécurité sur le conflit israélo-iranien au siège des Nations Unies le 24 juin 2025 à New York.

Depuis le 13 juin, l’Iran et Israël sont résolument entrés en guerre. Israël a lancé des “attaques préventives” sur l’Iran dont il perçoit les objectifs nucléaires comme une menace existentielle. Le caractère ouvertement illégal de cette attaque est un fait de plus qui confirme des mutations dans la politique internationale, rompant surtout avec la donne de la période post guerres.

Cette nouvelle donne des relations internationales, perceptible depuis l'invasion russe en Ukraine nous renseigne sur quatre leçons à retenir.


1. Le réalisme est de retour


L'Etat comme principal acteur des relations internationales, recours à la puissance militaire pour imposer sa volonté, importance moindre des institutions internationales, ... le monde est bien loin de la "paix" que les acteurs internationaux avaient réussi plus ou moins à construire des années 80 à nos jours et qui faisait la victoire des théories libérales des relations internationales. Le Droit international, les institutions et régimes nés après 1945 avaient réussi tant bien que mal à mitiger les effets de l'anarchie innée à la scène internationale.


Mais le ravivement des attaques/guerres dites préventives par Israël, la banalisation des violations de l'intégrité territoriale des Etats (depuis l'invasion russe en Ukraine), ainsi que l'incapacité de l'ONU et du Conseil de sécurité à être une voie de résolution des conflits, font sombrer le monde dans la dangerosité et l'anarchie qu'il connaissait avant 1945. Cette donne qui s'installe et s'impose aux Etats nous plonge forcément dans une ère de réalisme politique où la maximisation de la puissance militaire devient à nouveau une exigence pour les Etats. D'où d'ailleurs la hausse du budget militaire de pays comme le Japon et l'Allemagne ces deux dernières années.


2. Banalisation du "nucléaire"


Durant ces 12 jours de guerre entre Israël et l'Iran, le nucléaire a été le sujet principal. Non pas juste à cause du nucléaire iranien et la cible de ses sites d'enrichissement d'uranium, mais surtout du fait de l'hypothèse de l'utilisation de l'arme nucléaire sur le champ de bataille.


Sur les plateaux des médias occidentaux, autant sur les médias sociaux, cette arme dont certains semblent oublier qu'elle est capable de destruction massive, a fait l'objet d'un discours proche de la banalisation. C'est surtout l'hypothèse de l'utilisation d'armes nucléaires tactiques qui est le plus inquiétant. De plus en plus de "spécialistes" ont évoqué cette possibilité ces derniers jours, légitimant presque son utilisation contre l'Iran. Et cela vient s'ajouter au changement de doctrine nucléaire en Russie qui en a abaissé le seuil d'emploi ces dernières années.


3. L’importance du narratif et la guerre d'information


Les relations internationales sont de nature complexes et pour analyser les faits, l'information est cruciale. Non seulement elle sert à l'analyse mais désormais, elle est aussi un instrument de puissance qui peut impacter le moral et la précision de frappe de l'adversaire. Mais la vague de fake news et de bluff constatée même avec les leaders politiques et leurs relaies, participe à flouter le champ d'analyse du chercheur ou du spécialiste et rend davantage complexe cette discipline.


Les fake news, la désinformation, sont même devenus des armes de guerre comme on a pu le constater sur les champs conflictuels ces dernières années. Chaque camp essaye d'imposer son narratif à l'autre pour légitimer ses actions aux yeux de l'opinion. Et comme les médias sociaux sont des accélérateurs en ce sens, pas de chance pour nous…


4. Le double-standard occidental


Ce besoin de légitimer même les actions interdites par le Droit International et surtout en faveur d’Israël, pullule dans les médias depuis le déclenchement de la guerre à Gaza. Israël s’inscrit dans la violation continue du droit international depuis deux ans. Qu’il s’agisse de la militarisation de l’aide humanitaire bloquée à Gaza, des actes de torture sur des Palestiniens dont les vidéos ont été largement partagées et authentifiées sur les réseaux sociaux, de l’utilisation du phosphore blanc, ou récemment, de la violation de l’intégrité territoriale de l’Iran où Israël a fait des bombardements sans distinction tuant plusieurs civils, comme à Gaza.


Les actes à Gaza ont valu à Benyamin Netanyahu un mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale et plusieurs décisions de condamnation de la Cour Internationale de Justice. Mais en Occident, la seule chose dont des leaders comme Ursula von der Leyen, Kajas Kallas, Emmanuel Macron ou encore Olaf Scholz se souviennent, c’est :
"Israël a le droit de se défendre"
. Il y a une hypocrisie fondamentalement signifiante des Occidentaux sur la question israélienne qui creuse de plus en plus la distance entre l’Occident et le reste du monde.

Il semble surtout que pour l’Europe et les Etats-Unis, le droit international n’est respectable, du moins dans leurs discours, que quand il est favorable à leurs intérêts. Ils participent ainsi à construire un système d’injustice qui consume leur crédibilité aux yeux du monde et renforce le désir des autres pays à ne plus se limiter au cadre du droit international.


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