Aux îles Cook, les riches profondeurs du Pacifique aiguisent les appétits

15:2423/07/2025, mercredi
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Exploration minière sous-marine : les îles Cook face à un choix stratégique entre richesses économiques et préservation environnementale
Crédit Photo : William WEST / AFP
Exploration minière sous-marine : les îles Cook face à un choix stratégique entre richesses économiques et préservation environnementale

Aux îles Cook, un navire de 1.000 tonnes explore les riches profondeurs du Pacifique à la recherche des minerais qu'elles recèlent et qui pourraient être exploités.

Bordées de lagons étincelants et de plages ornées de palmiers, les îles Cook, dans le Pacifique Sud, ont ouvert leurs eaux territoriales à l'exploration minière. Des navires de recherche sillonnent les mers à la recherche de gisements de métaux pour les batteries, de terres rares et de minéraux critiques qui reposent dans les grands fonds de l’océan.

L’Anuanua Moana mène des études pour l’exploitation minière en haute mer : une industrie pionnière que certains comparent à une ruée vers l’or des temps modernes et que d’autres qualifient de
"folie"
environnementale. La presse l’a visité dans le port d’Avatiu.

"Les ressources sont estimées à une valeur potentielle d’environ 4 milliards de dollars (américains)"
, a indiqué Hans Smit, le directeur général de Moana Minerals.

Le navire parcourt depuis deux ans les eaux tropicales des îles Cook, à mi-chemin entre la Nouvelle-Zélande et Hawaï, recueillant des données pour convaincre les autorités de réglementation que l’exploitation minière en eaux profondes est sans danger. Aucune entreprise n’a encore commencé à exploiter commercialement les fonds marins.


"Je veux commencer l’exploitation avant 2030"
, explique M. Smit, dans le vrombissement des grues qui chargent des caisses en bois.

Moana Minerals, filiale d’une société texane, détient des droits d’exploration sur 20.000 kilomètres carrés dans la zone économique exclusive (ZEE) des îles Cook.


Selon des chercheurs australiens, il s’agit du gisement en nodules polymétalliques – sortes de galets riches en manganèse, cobalt, cuivre ou nickel – le plus important et le plus riche au monde au sein d’un territoire souverain.

Ces roches sont précieuses pour l’industrie des véhicules électriques et du matériel électronique, notamment en raison de leur teneur en terres rares.


"Lieu des dieux"


Mais les habitants redoutent que l’exploitation minière souille leur précieux moana, ou océan, à jamais. "J’ai vu le navire dans le port", lâche Ngametua Mamanu, un guide local de 55 ans.


Pourquoi avons-nous besoin de ce matériel pour détruire les océans ?

Ana Walker, retraitée de 74 ans, craint un pillage au profit d’intérêts étrangers. Elle confie:


On pense que ces gens viennent ici pour se faire de l’argent et pour nous laisser la pagaille ensuite.

"Si tout se passe bien, il y a du bon à en tirer. Sur le plan financier"
, commente James Kora, 31 ans, perliculteur comme son père et son grand-père avant lui.

Les yeux plissés face à l’intensité du soleil, le biologiste marin Teina Rongo observe les activités de l’Anuanua Moana depuis son petit bateau.
"Nous n’avons jamais voulu explorer le fond de l’océan, car nos ancêtres pensaient que c’était le lieu des dieux"
, confie-t-il.
"Nous n’y avons pas notre place",
ajoute-t-il.

"Pas de calendrier"


Les sociétés minières cherchent encore la meilleure méthode pour extraire les nodules situés à cinq kilomètres ou plus de profondeur.
Elles misent sur des machines robotisées capables de ratisser les fonds marins.

Pour l’environnementaliste Alanna Smith, les connaissances scientifiques sur les grands fonds restent très limitées.
"Nous servirions vraiment de cobayes pour l’industrie, en nous lançant en premier"
, dit-elle. C’est un pas
"très, très risqué"
.

Dans les années 1950, une expédition américaine fut la première à découvrir de vastes champs de nodules polymétalliques dans le Pacifique Sud. Des navires japonais, français, américains et russes ont ensuite cartographié cette richesse sous-marine.

Mais l’exploitation minière en eaux profondes est restée marginale jusqu’en 2018, lorsque la demande liée aux véhicules électriques a fait grimper les prix des métaux. Aujourd’hui, une poignée d’entreprises se disputent les quatre principaux gisements mondiaux, dont trois sont en eaux internationales, et un dans la ZEE des îles Cook.


L’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) se réunit ce mois-ci pour élaborer des règles concernant l’exploitation de la zone de fracture de Clipperton, dans le Pacifique. Les îles Cook ont affirmé que leur approche resterait
"étroitement alignée"
avec les règles de l’AIFM.

Mais
"nous ne fixons pas de calendrier pour le démarrage de cette activité"
, a précisé Edward Herman, de l’Autorité des minéraux des fonds marins des îles Cook.

En juin, le président français Emmanuel Macron a qualifié de
"folie"
l’idée de lancer une exploitation prédatrice des grands fonds marins
"quand nous n’y connaissons rien !"
.

Les îles Cook, toutefois, ont noué un partenariat stratégique avec la Chine en 2024, incluant des accords sur le commerce et l’exploitation minière sous-marine.


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