Journalisme et intelligence artificielle: la frontière du réel

Cécile Durmaz
17:093/12/2025, Çarşamba
MAJ: 3/12/2025, Çarşamba
Yeni Şafak
Journalisme et intelligence artificielle: entre puissance des outils et limites de l’inhumain
Crédit Photo : Illustration générée par IA /
Journalisme et intelligence artificielle: entre puissance des outils et limites de l’inhumain

Alors que l’IA s’invite de plus en plus dans les rédactions, la tentation de déléguer certains pans du travail journalistique devient réelle. Mais écrire ne suffit pas à informer. Enquête, éthique, intuition: autant de dimensions humaines que la machine ne pourra jamais reproduire. À l’heure des contenus générés par algorithmes, il est urgent de rappeler ce qu’est le journalisme.

Le journalisme, c’est le terrain… pas les algorithmes


À mesure que l’intelligence artificielle gagne du terrain dans les rédactions, la tentation de lui confier certaines tâches journalistiques se fait plus pressante. Mais écrire ne suffit pas à informer.


Le journalisme ne se pratique pas derrière un écran à compiler des données. Il s’ancre dans un lieu, un contexte, une tension. Il naît d’une émotion imprévue, d’un silence qui en dit long, d’un regard qui échappe.


Le journaliste va sur le terrain, observe, écoute, ressent. Ainsi, comment une intelligence artificielle pourrait-elle percevoir le trouble d’un lanceur d’alerte, le poids d’un silence en salle d’audience, ou l’injustice qui imprègne les murs d’une cité oubliée ?


L’éthique ne se programme pas


S'il est désormais possible de nourrir une IA avec des millions d’articles, on ne peut pas lui inculquer une boussole morale. Le journalisme, c’est aussi choisir ce qu’on dit, comment on le dit, et pourquoi on le dit.


C’est parfois refuser de publier une information, par décence, ou au nom de principes supérieurs. Ce versant invisible mais essentiel de la déontologie journalistique impose des limites morales et sociales qui structurent et humanisent la profession. Là où l’IA ne voit qu’une donnée exploitable, le journaliste voit aussi des conséquences humaines.

L’IA, elle, exécute. Elle n’a pas de conscience, pas de responsabilité. Peut-on lui confier le rôle de quatrième pouvoir, celui qui interroge, qui dérange, qui résiste à l’autorité ? Absolument pas. Le jour où nous franchirions ce cap, nous perdrions tout contrôle sur ce qui relève du factuel, et ouvririons en grand la porte à la désinformation. Une menace déjà bien réelle, comme en témoignent les innombrables vidéos générées par IA qui circulent sur les réseaux sociaux, brouillant toujours plus la frontière entre vrai et faux.


Écrire, ce n’est pas seulement aligner des mots


Demandez à une intelligence artificielle de rédiger un article: elle s’exécutera. Le texte sera net, bien construit, sans fautes. Néanmoins, il sonnera creux, car le style ne s’enseigne pas dans des algorithmes. Il émane d’un regard singulier sur le monde, d’une sensibilité façonnée par l’expérience, une richesse que l’IA ne saura jamais reproduire. Il naît d’une colère, d’une émotion, d’un engagement.


Un billet signé Florence Aubenas, un éditorial de Mediapart, ce sont des voix, pas des copies. L’intelligence artificielle peut mimer, mais elle ne peut ni inventer, ni incarner et encore moins faire vibrer.


L’IA est un outil, pas une conscience


Ainsi, l’IA a sa place dans les rédactions. Pour transcrire des interviews, fouiller des bases de données, surveiller des flux d’informations, elle est précieuse, c'est indéniable. Elle allège les tâches répétitives, accélère la recherche, améliore la veille… et peut même élargir le champ géographique du travail journalistique grâce à ses puissants outils de traduction.


Mais elle doit rester à sa place: un outil, et non un auteur. Le stylo reste dans la main humaine. Le journalisme est un acte humain, profondément humain.

Dans un monde saturé d’informations, où tout va vite, le rôle du journaliste n’a jamais été aussi crucial. Ce n’est pas la technologie qui sauvera la démocratie, c’est le regard critique, la parole juste et surtout le courage de dire.


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