Les leçons à tirer de l’affaire İmamoğlu

10:0817/11/2025, Pazartesi
MAJ: 17/11/2025, Pazartesi
Aydın Ünal

L’acte d’accusation est finalisé : pour Ekrem İmamoğlu, le parquet requiert entre 828 et 2.352 ans de prison. Lorsque le maire d’Istanbul avait été placé en garde à vue et que les premières accusations avaient émergé, il était déjà clair que sa carrière politique touchait à sa fin. L’acte d’accusation, rendu public la semaine dernière, a achevé de tracer les contours de cette histoire. Impossible de savoir aujourd’hui quelle peine la justice retiendra ni combien d’années il purgera derrière les

L’acte d’accusation est finalisé : pour Ekrem İmamoğlu, le parquet requiert entre 828 et 2.352 ans de prison. Lorsque le maire d’Istanbul avait été placé en garde à vue et que les premières accusations avaient émergé, il était déjà clair que sa carrière politique touchait à sa fin.


L’acte d’accusation, rendu public la semaine dernière, a achevé de tracer les contours de cette histoire.

Impossible de savoir aujourd’hui quelle peine la justice retiendra ni combien d’années il purgera derrière les barreaux. La procédure judiciaire sera longue. Même dans l’hypothèse, peu probable, d’un acquittement, d’un procès sans détention ou d’une sortie anticipée, la voie politique est désormais fermée pour lui.
Aujourd’hui, même l’électorat du CHP estime que les 3.900 pages de l’acte d’accusation ne sont pas vides.
Pour İmamoğlu, ce n’est pas seulement l’avenir politique qui s’est refermé : son soutien populaire s’est lui aussi évaporé.

Le mirage d’un pouvoir bâti sur l’argent et les appuis étrangers


Ekrem İmamoğlu s’est laissé entraîner par l’illusion qu’un financement massif et des soutiens internationaux le porteraient jusqu’à la présidence de la République.


La grande faille des démocraties, c’est que l’argent et l’influence extérieure peuvent tenter d’orienter la volonté populaire.
Aux États-Unis, par exemple, devenir président "simplement" en sortant du peuple, sans l’aval du lobby juif ou des grands groupes globaux, est devenu impossible.
Mais en La Türkiye, les choses ne fonctionnent pas toujours ainsi. J’insiste sur le
"pas toujours",
car il existe des exceptions : en 1999, l’ascension d’Ecevit avait été propulsée par la capture d’Öcalan au Kenya, mais son pouvoir fut très éphémère. Et les exemples inverses abondent : le Serbest Cumhuriyet Fırkası, porté par un élan populaire immédiat, n’a même pas eu le temps d’aller aux élections. Le Parti Démocrate avait remporté les élections de 1950 sans argent ni propagande. Le Refah Partisi avait conquis le pouvoir en 1996 malgré tous les obstacles.

Lors de son dernier discours de groupe, en rappelant la victoire du 3 novembre 2002, le président Erdoğan a parlé de
"révolution populaire".
En effet : que l’AK Parti, fondé seulement 18 mois plus tôt, accède seul au pouvoir traduisait le rejet profond du peuple. Le parti avait conquis le pouvoir sans s’appuyer sur les milieux économiques ni quémander l’aval des cercles de tutelle.
Et cela fait 23 ans qu’il s’y maintient grâce à cette même légitimité populaire.

İmamoğlu, lui, a cru qu’avec derrière lui Israël, l’Angleterre, l’Allemagne, et en mobilisant les immenses ressources de la municipalité d’Istanbul, il pourrait orienter la volonté des électeurs. Profitant des erreurs de l’AK Parti à Istanbul, il est devenu maire, puis a utilisé l’argent collecté pour reconfigurer le CHP, allant jusqu’à se désigner futur candidat à la présidence. Aurait-il pu réussir? Sa stratégie aurait-elle fonctionné? On ne le saura jamais. U
ne certitude demeure : ce plan, construit sur de l’argent trouble, a été stoppé par la justice. Et désormais, les électeurs, confrontés aux révélations, se détournent de lui.

Deux leçons essentielles de l’histoire d’İmamoğlu


De cette trajectoire qui s’achève brutalement, nous devrions tirer deux enseignements majeurs :


Premièrement
, fonder une ascension politique sur des soutiens étrangers et des financements opaques ne mène pas au pouvoir — ou n’y maintient pas longtemps, comme l’a illustré Ecevit en 1999.

Deuxièmement
, en La Türkiye, l’électeur ne se laisse pas impressionner par les slogans creux ni les grands bruits. Il observe, attend, distingue patiemment le bien du mal, fait preuve de sagesse et de clairvoyance. Il laisse du temps, offre des occasions, tolère… puis, au moment où on s’y attend le moins, il tranche sans hésiter.

Il faut espérer que la scène politique turque — majorité comme opposition — retiendra ces leçons de l’histoire d’Ekrem İmamoğlu.
Notre peuple aime les révolutions par les urnes. Celui qui accède au pouvoir par des voies douteuses, ou celui qui se tourne vers ces voies une fois au pouvoir, n’y reste jamais.
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