RDC: pendant que la diplomatie patine, le M23 s'enracine

11:136/10/2025, lundi
AFP
Un jeune garçon est assis par terre à côté d'un soldat de l'AFC/M23 tenant son arme, chargé d'assurer la sécurité de la réunion, à Goma, le 24 juillet 2025. Ce rassemblement s'inscrit dans le cadre d'une stratégie de sensibilisation visant à instaurer la confiance auprès de la population locale.
Crédit Photo : Jospin Mwisha / AFP
Un jeune garçon est assis par terre à côté d'un soldat de l'AFC/M23 tenant son arme, chargé d'assurer la sécurité de la réunion, à Goma, le 24 juillet 2025. Ce rassemblement s'inscrit dans le cadre d'une stratégie de sensibilisation visant à instaurer la confiance auprès de la population locale.

Recrutement de cadres, taxes, formation de juges, militaires et policiers: le groupe armé M23 consolide son administration parallèle dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), tandis que les négociations de paix tardent à se traduire sur le terrain.

Après s'être emparé des grandes villes de Goma et Bukavu en janvier et février, le M23, groupe armé antigouvernemental soutenu par Kigali, s'est trouvé à la tête d'un vaste territoire où tout est à refaire. La plupart des institutions, comme par exemple les banques, ont été fermées par Kinshasa et de nombreux fonctionnaires ont fui.


Le M23, qui clame son intention de renverser le régime du président congolais Félix Tshisekedi, entend
"instaurer un nouveau modèle d'administration"
fondé
"sur la transparence et l'efficacité"
, selon les mots du dirigeant de sa branche politique Corneille Nangaa fin septembre.

Selon des experts contactés par l'AFP, il s'agit pour le mouvement de convaincre les Congolais et la communauté internationale de sa capacité à gouverner. Mais également de peser dans les négociations de paix, initiées par des médiations américaines ainsi que qataries, et qui ont abouti en juin à la signature d'un accord de paix entre la RDC et le Rwanda, sans toutefois empêcher une reprise des combats ces dernières semaines.


Dès les premiers mois, le M23 a nommé des gouverneurs provinciaux, des maires et a commencé à délivrer des documents administratifs.


Les habitants de Goma et Bukavu ont toutefois vécu des mois sans police ni tribunaux, entraînant une forte hausse de la criminalité. La crise économique sévit avec la fermeture des banques et des axes commerciaux.

Depuis août, le M23 multiplie les annonces. Le mouvement a ainsi diffusé une vidéo présentant sa nouvelle police, composée en partie d'anciens fonctionnaires de Kinshasa ralliés de gré ou de force.


Policiers en tenue antiémeute se livrant à une démonstration de force, enquêteurs en combinaison s'entrainant à analyser une scène de crime: le groupe armé insiste sur le professionnalisme de ses nouveaux effectifs, contrastant, selon lui, avec une police congolaise réputée pour sa corruption.


Le mouvement a également organisé un concours pour plus de 500 juristes et avocats en vue de leur intégration dans la magistrature.

"Soutiens externes"


Jusqu'à présent,
"les structures de gouvernance imposées"
par le M23
"ont fonctionné sans garde-fous juridiques ni mécanismes de responsabilité, ce qui a donné lieu à des sanctions arbitraires et des exécutions extrajudiciaires",
selon les experts de l'ONU dans un rapport publié en juillet.

Des rafles massives ont permis de faire baisser la criminalité, au prix de nombreux abus dénoncés par les organisations internationales.


Le M23 a également présenté 7.000 militaires récemment formés. La valeur de ces troupes, souvent d'ancien militaires congolais capturés au cours des offensives du début de l'année, reste incertaine. Elles pourraient au moins permettre au groupe armé de mieux contrôler ses arrières où des milices pro-kinshasa mènent des actions de guérilla, selon des sources sécuritaires.


Un tel déploiement interroge sur les financements du M23 dans une région dénuée de système bancaire.


"Le M23 ne peut se départir pour l'instant de soutiens externes étant donné que les opérations militaires en cours nécessitent des financements colossaux"
, estime Reagan Mviri, chercheur à l'institut congolais Ebuteli.

Pour pallier à la fermeture des banques, le M23 a créé une régie financière censée centraliser ses revenus. Il a également créé, ou réinstauré, une série de taxes notamment sur les flux commerciaux ainsi que les activités minières.


Une partie de ces impôts sont difficilement soutenables pour les populations éprouvées par le conflit.


"Nous avons tout perdu à cause de leur aventure et ils n'ont pas de scrupule à nous imposer des taxes exorbitantes"
, fustige un militant de la société civile sous couvert de l'anonymat.

Le principal syndicat de commerçants du Sud-Kivu a plaidé fin septembre pour un allègement des taxes dans un courrier adressé au M23 fin septembre et consulté par l'AFP.

Pouvoir d'achat en baisse, taux de change instable, pertes dues à la guerre, capitaux bloqués dans les banques,
"il devient pratiquement impossible de répondre" aux obligations fiscales imposées par le M23 "alors que nous sommes déjà asphyxiés"
, plaident-ils.

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