Chat Control : entre protection des enfants et surveillance de masse, l’Europe dans l’impasse

La rédaction
17:0823/10/2025, jeudi
Yeni Şafak

Présentée comme une arme contre la pédocriminalité en ligne, la loi européenne dite Chat Control divise l’Union depuis trois ans. Derrière les intentions louables, une question explosive : jusqu’où peut-on aller pour protéger les enfants sans sacrifier la vie privée de millions de citoyens ?

Une loi née de bonnes intentions


Proposé en mai 2022 par la Commission européenne, le règlement Child Sexual Abuse Regulation (CSAR), surnommé Chat Control, devait être voté le 14 octobre 2025. Une fois de plus, le vote a été reporté à 2026, signe que les divisions entre États membres persistent.


L’objectif officiel : lutter contre la pédocriminalité en obligeant les plateformes numériques ( WhatsApp, Signal, Telegram ou Google ) à détecter et signaler les contenus illégaux. Pour y parvenir, le texte prévoit que tous les messages privés soient analysés automatiquement par une intelligence artificielle avant leur chiffrement.


Quand la protection des enfants menace la vie privée


Le cœur du débat repose sur le chiffrement de bout en bout, ce système qui garantit que seuls l’expéditeur et le destinataire d’un message peuvent le lire. Pour que le Chat Control fonctionne, il faudrait contourner cette sécurité. En pratique, cela reviendrait à scanner toutes les conversations privées sur les appareils des utilisateurs.


Les critiques dénoncent une dérive dangereuse. Selon un rapport interne de la CNIL, le taux d’erreurs pourrait atteindre 10 %, soit "
des millions de communications analysées à tort".

L’ONG Electronic Frontier Foundation (EFF) va plus loin: "
Cela reviendrait à installer une porte dérobée dans toutes les conversations privées"
, alerte-t-elle dans une tribune publiée en septembre 2025. Pour ces défenseurs des libertés numériques, le Chat Control pourrait devenir un cheval de Troie, ouvrant la voie à d’autres formes de surveillance d’État.

Autre inquiétude : les systèmes capables d’analyser automatiquement les données pourraient rendre les téléphones plus vulnérables aux cyberattaques.

Un débat moral et politique explosif à Bruxelles


Face à ces critiques, la commissaire européenne Ylva Johansson défend fermement le projet. "
Chaque jour, des milliers d’images d’abus circulent impunément sur des plateformes cryptées"
, a-t-elle rappelé devant le Parlement européen.

Mais le dossier s’enlise. Un diplomate européen confie à Euronews: "
Aucun État ne veut passer pour celui qui bloque une loi contre la pédocriminalité, mais personne ne veut non plus être celui qui légalise la surveillance des citoyens."

La France, favorable au texte, se distingue par une position jugée paradoxale: elle soutient la surveillance préventive, tout en étant critiquée pour sa laxité envers les auteurs de violences sexuelles. Un double discours que certains observateurs pointent du doigt.


Entre sécurité et liberté, un équilibre encore introuvable


Trois ans après sa première proposition, le Chat Control reste suspendu. Pour ses partisans, il s’agit d’une mesure indispensable pour protéger les enfants. Pour ses détracteurs, c’est une brèche inquiétante dans la vie privée numérique des Européens.


Alors, protection vitale ou cheval de Troie numérique ?


Le débat, lui, est loin d’être clos.


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