Gaza : l’association JURDI saisit la justice pour contraindre la France à respecter ses obligations de prévention du génocide

17:0323/09/2025, Salı
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Des tentes abritant des Palestiniens déplacés par le conflit à Gaza City sont installées près de bâtiments endommagés dans le complexe résidentiel Hamad City, construit par le Qatar, au nord-ouest de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 septembre 2025.
Crédit Photo : Omar AL-QATTAA / AFP
Des tentes abritant des Palestiniens déplacés par le conflit à Gaza City sont installées près de bâtiments endommagés dans le complexe résidentiel Hamad City, construit par le Qatar, au nord-ouest de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 septembre 2025.

Alors que la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza a déjà fait plus de 65 000 morts, selon les autorités locales, dont une majorité de femmes et d’enfants, de nombreuses organisations dénoncent l’incapacité de la communauté internationale à faire cesser ce que beaucoup qualifient de "génocide".

Si Israël fait déjà l’objet de procédures devant les juridictions internationales, en France, l’association Juristes pour le Respect du Droit International (JURDI) a déposé début septembre un recours indemnitaire contre l’État français. Elle lui reproche d’avoir manqué à ses obligations en matière de prévention du génocide, telles que fixées par la Convention de 1948.

Dans un entretien à Anadolu, Me Vincent Brengarth, avocat de l’association, détaille les enjeux et les motivations de cette action.


"Ce recours vise à faire condamner la France compte tenu des manquements à prévenir le génocide à Gaza, en méconnaissance de ses obligations découlant notamment de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948",
explique-t-il.

Le recours de 27 pages, déposé devant le tribunal administratif de Paris, commence par rappeler le contexte : les ordonnances rendues par la Cour internationale de Justice en janvier et mai 2024, établissant qu’il existe un
"risque plausible de génocide"
et exigeant qu’Israël prenne toutes les mesures nécessaires pour protéger la population civile palestinienne.
"Le risque de génocide de la population civile palestinienne dans la bande de Gaza est établi et connu de la France"
, peut-on lire dans la requête.

Pour les juristes de JURDI, cette situation engage directement la responsabilité de Paris.
"La France n’a pris aucune mesure concrète de prévention du crime de génocide et n’a suspendu ni les relations de coopération, ni les transferts d’armes, ni les accords économiques et militaires, en dépit des obligations contraignantes qui lui incombent",
souligne la requête.

Le document insiste sur le fait que ces manquements ne sont pas de simples maladresses politiques, mais de véritables violations du droit, et conclut que
"l’ensemble de ces abstentions traduisent une méconnaissance par l’État de ses obligations spécifiques et témoignent dans le même temps d’une violation de son obligation générale d’empêcher et de prévenir le crime de génocide".

Avant de saisir la justice, l’association avait adressé plusieurs courriers aux autorités françaises. Aucun n’a reçu de réponse. Pour ses membres, ce silence illustre une
"carence fautive"
de l’État. Ils rappellent que la France a elle-même défendu, dans d’autres affaires internationales, le caractère contraignant de l’obligation de prévention. Le recours note ainsi que "la France a défendu devant la CIJ l’impératif de prévention du génocide dans le cadre des affaires concernant l’Ukraine et le Myanmar" et dénonce une incohérence flagrante à propos de Gaza.

La question des armes occupe une place centrale dans l’argumentaire. La France est liée par le Traité sur le commerce des armes et la Position commune de l’Union européenne de 2008, qui interdisent toute exportation lorsqu’il existe un risque manifeste d’utilisation pour commettre des violations graves du droit international humanitaire. Pourtant, observe JURDI,
"nulle mesure concrète n’a été prise par le gouvernement français (…) concernant les obligations spécifiques liées au commerce des armes".
L’association considère que cette passivité viole non seulement les règles internationales mais aussi le droit européen que Paris s’est engagé à respecter.

Dans son entretien à Anadolu, Me Brengarth insiste sur la portée politique et juridique de la démarche et indique qu’il
"s’agit d’une initiative déterminante pour responsabiliser les États dont la carence fautive contribue à la persistance des crimes"
qui
"vise aussi bien à sanctionner dans l’immédiat pour que la France agisse qu’à servir pour éviter la répétition de tels manquements".

Pour l’avocat, la justice administrative a ici un rôle essentiel à jouer.
"Les juridictions administratives ont une responsabilité pour tirer les conséquences des manquements commis"
, conclut-il.

Le recours insiste enfin sur le fait que le droit ne peut se limiter à des déclarations de principe. "L’obligation de prévenir le génocide ne peut rester théorique : elle doit se traduire en actes concrets et immédiats", affirme le texte. Et il prévient clairement :


la passivité de la France contribue à la persistance de crimes internationaux dont elle ne peut prétendre ignorer la gravité.

Au-delà du cas français, l’association entend lancer un signal. Si le tribunal administratif venait à reconnaître la responsabilité de l’État, même partiellement, cela créerait un précédent et rappellerait que l’inaction face à un risque de génocide peut être fautive. Le recours se veut un rappel ferme : prévenir le génocide n’est pas seulement un impératif moral, c’est une obligation juridique contraignante.


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