Quatre clés pour comprendre le tournant politique en Bolivie

11:5218/08/2025, lundi
AFP
Rodrigo Paz, candidat à la présidence de la Bolivie pour le Parti démocrate-chrétien (PDC), s'adresse à ses partisans après les résultats de l'élection présidentielle à La Paz, en Bolivie, le 17 août 2025.
Crédit Photo : Jorge BERNAL / AFP
Rodrigo Paz, candidat à la présidence de la Bolivie pour le Parti démocrate-chrétien (PDC), s'adresse à ses partisans après les résultats de l'élection présidentielle à La Paz, en Bolivie, le 17 août 2025.

Le premier tour de l'élection présidentielle en Bolivie marque un tournant inédit: après vingt ans au pouvoir, la gauche va s'effacer laissant deux candidats de droite s'affronter en octobre lors d'un second tour qui pourrait bouleverser le modèle économique du pays andin.

Voici les principaux enseignements d'une élection qui promet de redessiner l'avenir du pays andin de 11,3 millions d'habitants.


La surprise


Le candidat de centre-droit Rodrigo Paz a créé la surprise dimanche. Aucun sondage ne prédisait sa qualification pour le second tour. Pourtant, le sénateur chrétien-démocrate de 57 ans est arrivé en tête avec 32,1% des voix, selon un premier décompte officiel, devançant l'un des favoris, l'ancien président de droite Jorge "Tuto" Quiroga (26,8%).

Face à une forte demande de renouvellement, son discours est perçu comme plus modéré.
"Il ne représente ni les grandes entreprises, ni les libéraux radicaux. Il incarne le citoyen ordinaire"
, analyse le sociologue Renzo Abruzzese sur la chaîne Red Uno.

Loin d'être un novice, Rodrigo Paz possède une solide trajectoire politique: conseiller municipal, maire puis sénateur de Tarija, sa région d'origine dans le sud du pays. Son projet de
"capitalisme pour tous"
a trouvé un large écho auprès d'un électorat de gauche désabusé.

Le naufrage de la gauche


L'inaction du gouvernement face à une crise marquée par une pénurie de devises étrangères et de carburant a
"fini par fatiguer"
une population déjà affectée par une inflation annuelle de près de 25%, observe pour l'AFP le politologue Daniel Valverde.

Le gouvernement du président sortant Luis Arce a épuisé les réserves en dollars du pays pour maintenir un coûteux système de subventions aux carburants.

Parallèlement, la lutte de pouvoir entre l'ancien président Evo Morales (2006-2019) et son successeur pour le contrôle du Mouvement vers le socialisme (MAS) a désorganisé le parti à l'approche du scrutin.


Résultat, la gauche est sortie exsangue du premier tour. Eduardo del Castillo, le candidat du MAS, n'a recueilli que 3,1% des voix, et le président du Sénat, Andronico Rodriguez, 8,2%.

Selon Gustavo Flores-Macias, chercheur à l'université américaine de Cornell, la gauche doit mener une
"profonde introspection"
pour mesurer
"les terribles dommages infligés à ses chances de gagner, mais aussi à la crédibilité du gouvernement Arce".

Duel à droite


Rodrigo Paz et Jorge Quiroga défendent plusieurs mesures communes, comme la fin des subventions aux carburants, une réduction de la pression fiscale et une rupture avec le modèle étatiste. Mais leurs styles de campagne ont fortement divergé.


Dans les débats et les interviews, Paz
"n'a pas perdu de temps ni d'énergie à dénigrer, insulter ou rabaisser"
quiconque, souligne le politologue Daniel Valverde.

A l'inverse, Jorge Quiroga s'est illustré par plusieurs passes d'armes, notamment avec l'influent homme d'affaires Samuel Doria Medina, longtemps perçu comme son principal rival.


Quel que soit le vainqueur le 19 octobre, il devra gouverner avec un parlement dominé par la droite mais sans majorité claire. Cette
"fragmentation compliquera la tâche du futur président",
prévient Gustavo Flores-Macias.

Le coût du changement


Le prochain président sera confronté à un défi majeur : appliquer les coupes budgétaires promises dans un pays où la population est depuis longtemps habituée aux subventions, primes et programmes sociaux.


"Supprimer les aides, réparer les déséquilibres... tout cela est facile à promettre (...). Mais la vraie difficulté, pour l'un comme pour l'autre candidat, sera de le faire sans frapper de plein fouet la population"
, analyse le chercheur de l'université Cornell.

Selon lui, la volonté de changement exprimée dans les urnes pourrait offrir au futur chef de l'État une courte période de grâce, suffisante pour introduire des mesures d'austérité graduelles avant d'imposer des réformes plus profondes.


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