Pakistan: pourquoi le poliovirus résiste malgré des décennies de lutte

18:0311/08/2025, lundi
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Un agent de santé administre des gouttes contre la polio à un enfant dans le cadre d'une campagne nationale de vaccination contre le poliovirus qui se déroule pendant une semaine à Karachi, le 26 mai 2025.
Crédit Photo : Asif HASSAN / AFP
Un agent de santé administre des gouttes contre la polio à un enfant dans le cadre d'une campagne nationale de vaccination contre le poliovirus qui se déroule pendant une semaine à Karachi, le 26 mai 2025.

Malgré plus de trois décennies d’efforts soutenus et des milliards investis dans les campagnes de vaccination de masse, la formation, la logistique et la sensibilisation, le Pakistan demeure, avec l’Afghanistan voisin, l’un des deux derniers pays où le poliovirus sauvage circule encore.

Selon le Programme pakistanais d’éradication de la polio, le pays a recensé 74 cas en 2024, contre seulement six en 2023. Cette année, au moins 19 cas ont déjà été confirmés. La surveillance environnementale a également détecté le virus dans les eaux usées de 20 districts, preuve d’une transmission persistante, y compris dans des zones sans cas recensés.

Les experts attribuent cette résurgence à la complexité de la situation, marquée par la défiance envers les autorités, la désinformation, la violence des groupes armés et la fatigue opérationnelle, qui sapent les progrès obtenus.


Des foyers chroniques et une défiance enracinée


En 2024, des cas ont été signalés dans 13 districts, dont Dera Ismail Khan, Torghar, Bannu, Lakki Marwat, Tank et le Waziristan du Nord (Khyber Pakhtunkhwa), Badin, Larkana, Qambar et Thatta (Sindh), Mandi Bahauddin (Pendjab) et Diamer (Gilgit-Baltistan).


Ces zones, souvent touchées par des conflits ou des manques criants de services publics, nourrissent une forte méfiance à l’égard des programmes dirigés par l’État.


En 2020, le Pakistan comptait 84 cas, tombés à un seul en 2021, avant de remonter à 20 en 2022. Ce virus hautement contagieux, qui touche principalement les enfants de moins de cinq ans, attaque le système nerveux et peut entraîner une paralysie permanente, voire la mort.

Pour le Dr Muhammad Rafiq, spécialiste à l’UNICEF Pakistan,
"nous restons en retard par rapport à d’autres pays en raison d’un mélange de défis sécuritaires et d’un faible engagement communautaire"
. Les rumeurs accusant le vaccin d’être un complot occidental pour stériliser les enfants musulmans alimentent encore les refus parentaux.

Dans certaines zones rurales, la vaccination est utilisée comme levier politique, les habitants exigeant des routes, du gaz ou de l’électricité avant toute injection.


Les équipes de vaccination sous la menace


Depuis décembre 2012, près de 150 personnes impliquées dans la lutte antipolio ont été tuées, principalement dans les zones frontalières ou à haut risque. En 2024, sept personnes – dont six policiers – ont été abattues lors d’attaques contre des campagnes de vaccination dans le district de Bajaur, à la frontière afghane.


"Nous savons que nous pouvons être attaqués à tout moment, mais nous continuons notre mission pour protéger les enfants"
, témoigne Lubna Azam, agente de terrain à Bajaur. Plus de 400.000 travailleurs, dont 225.000 femmes, effectuent du porte-à-porte pour administrer le vaccin oral.

La frontière afghane, un talon d’Achille


Les 2.640 km de frontière poreuse avec l’Afghanistan compliquent encore la tâche.
"Quand les gens traversent, le virus traverse aussi"
, souligne Rafiq. Des postes de vaccination ont été installés à tous les points de passage officiels, mais les flux non contrôlés restent un défi majeur.

Un plan national pour 2025-2026


Le Pakistan a lancé une feuille de route nationale en trois phases, sous supervision directe du Premier ministre et avec le soutien de l’OMS et de l’UNICEF. En 2023, 924 millions de dollars ont été investis dans les campagnes, la logistique, la formation et la sensibilisation.

Les autorités assurent que l’éradication reste possible, mais préviennent que sans campagnes sécurisées, coordonnées et portées par les communautés, le poliovirus continuera de résister.


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