Nabila Kilani: "Les Palestiniens ne sont pas des chiffres"

David Bizet
23:0920/10/2025, lundi
MAJ: 20/10/2025, lundi
Yeni Şafak

Nabila Kilani, survivante et humanitaire gazaouie, s'exprime pour la première fois en français dans un témoignage exclusif pour Nouvelle Aube. Engagée depuis 2004 auprès des femmes palestiniennes, elle raconte la violence inouïe qui s'abat sur Gaza, la perte de trois membres de son équipe et de sa famille. Elle dénonce la déshumanisation des Palestiniens réduits à des statistiques, insistant sur le fait que les chiffres officiels sont largement sous-estimés. Des milliers de victimes restent ensevelies sous les décombres, non comptabilisées, témoignant d'une tragédie humaine sans précédent.

Pour la première fois, une Gazaouie s'exprime en français pour raconter l'innommable.
Nabila Kilani
, humanitaire palestinienne et survivante du génocide en cours à Gaza, livre à Nouvelle Aube un témoignage bouleversant qui résonne comme un cri d'humanité face à l'horreur.

Depuis 2004, cette femme courageuse œuvre auprès des populations les plus vulnérables de la bande de Gaza. Son engagement humanitaire, débuté dans un modeste centre où elle travaillait seule avec des enseignantes, s'est progressivement structuré face à l'ampleur des besoins. Mais jamais, dit-elle, elle n'aurait imaginé ce qui allait suivre.


Un engagement humanitaire face à l'escalade de la violence


"Au début, je travaillais toute seule avec des femmes dans le centre"
, raconte Nabila.
"Elles m'aidaient dans mes actions."
Avec le temps et surtout lors des agressions successives, l'équipe s'est étoffée pour couvrir le Nord, le Sud et le centre de la bande de Gaza, permettant d'éviter les déplacements dangereux aux populations déjà fragilisées.

Mais cette guerre a un prix terrible. Nabila a perdu trois membres de son équipe: Mohamed, Ahmed et Sajid.
"Un ingénieur, un avocat et un enfant de 19 ans"
, énumère-t-elle, la voix chargée d'émotion. Trois vies fauchées, trois destins brisés qui incarnent la tragédie collective d'un peuple.

Dès le début de cette agression, les Israéliens ont franchi de nouvelles lignes rouges.
"Ils ont bombardé carrément devant les yeux du monde entier des hôpitaux"
, témoigne-t-elle. Une violation flagrante du droit international humanitaire qui s'est déroulée sous le regard impuissant de la communauté internationale

Le refus de la déshumanisation: "Ce ne sont pas des chiffres"


Ce qui bouleverse le plus Nabila, c'est la manière dont les victimes palestiniennes sont réduites à de simples statistiques.
"Vers la fin, il y a des gens qui me disent : quand même, le taux, la moyenne des morts a vraiment baissé. Cela me dérange énormément"
, s'insurge-t-elle avec force.

"Quand on parle des Palestiniens, ce ne sont pas des chiffres en fait. Une centaine de Palestiniens, c'est-à-dire une centaine de familles qui ont perdu leurs membres. Peut-être qu'une famille a été totalement effacée du registre civil."

Son appel à l'humanité est poignant :
"Imaginez que ça soit vous-même ou bien vos parents, vos enfants. Là, on ne peut pas dire des chiffres. Ce sont des vies."

La vérité des chiffres: une tragédie sous-estimée


Nabila dénonce également l'inexactitude des bilans officiels, largement sous-estimés selon elle.
"Si on parle des chiffres, ben alors les chiffres que vous avez, ce ne sont pas les chiffres officiels. En fait, ce sont des chiffres de membres déclarés par le ministère de la Santé."

Elle illustre cette réalité par un exemple personnel déchirant
: "Moi personnellement, j'ai une cousine qui s'appelle Mayada. Son mari s'appelle Iheb. Il avait cinq enfants : trois filles, deux garçons qui sont encore sous les débris de leur maison et ils ne sont pas déclarés encore."

Combien de familles comme celle de Mayada restent ensevelies, non comptabilisées, invisibles aux yeux du monde ?
"On attend beaucoup plus de vies palestiniennes qui ont été terminées par la mitrailleuse israélienne"
, poursuit-elle.

Un cri pour la dignité et la reconnaissance


Le témoignage de Nabila Kilani résonne comme un appel urgent à la conscience universelle
. "Ce ne sont pas des chiffres et ça me dérange d'entendre qu'ils sont des chiffres et je n'accepte pas"
, martèle-t-elle avec une détermination sans faille.

Derrière chaque victime, il y a une histoire, une famille, des rêves brisés, un avenir anéanti.
Nabila refuse que son peuple soit déshumanisé
, réduit à des données statistiques qui permettent de détourner le regard de l'horreur concrète.

Son témoignage exclusif pour Nouvelle Aube est un document historique: pour la première fois, une voix gazaouie s'exprime en français pour dire la vérité de ce génocide, pour honorer la mémoire des disparus et pour rappeler au monde que les Palestiniens sont des êtres humains, pas des chiffres.


Face à l'indicible, Nabila continue son combat humanitaire, portant la douleur de tout un peuple et refusant que l'indifférence l'emporte sur la dignité humaine.


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