
La visite officielle de Mikheil Kavelashvili, président de la Géorgie, en Turquie les 12 et 13 août 2025, s'est déroulée alors qu'une grave crise politique secouait toujours la Géorgie. Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a accueilli M. Kavelashvili à Ankara au plus haut niveau, soulignant la volonté de la Turquie d'établir des relations avec son voisin malgré les questions entourant la légitimité du leadership géorgien. Le moment et le contexte de cette visite sont remarquables : la Géorgie est confrontée à des problèmes découlant d'élections législatives controversées et de changements fondamentaux dans l'orientation de sa politique étrangère. Parallèlement, la Turquie mène une diplomatie multiforme afin de renforcer son influence régionale : elle approfondit ses partenariats en Eurasie tout en maintenant ses relations avec l'Occident.
Comme on le sait, les responsables occidentaux ont jugé les élections de 2024 illégitimes, laissant le gouvernement géorgien confronté à une crise de légitimité à l'étranger. Vers la fin de l'année 2024, le processus d'intégration de la Géorgie à l'UE, qui était naguère la pierre angulaire de sa politique étrangère, s'est retrouvé au point mort en raison des inquiétudes suscitées par le recul démocratique de Tbilissi. Plus dramatique encore, en décembre 2024, les États-Unis ont suspendu leur partenariat stratégique de longue date avec la Géorgie pour protester contre sa trajectoire antidémocratique.
L'acceptation par Ankara de M. Kavelashvili, malgré son statut controversé, revêt une importance diplomatique considérable. Cette décision montre que la Turquie privilégie ses intérêts stratégiques et la stabilité régionale par rapport aux réserves politiques de l'Occident dans ses relations avec la Géorgie.
Dans le cas de la Géorgie, la Turquie démontre pleinement sa diplomatie multiforme. En accueillant le président Kavelashvili, Ankara a montré sa volonté de coopérer de manière pragmatique avec les dirigeants de Tbilissi afin de préserver la coopération bilatérale et régionale. Cependant, lors de la visite de M. Kavelashvili, la Turquie a également pris soin de souligner les principes essentiels pour l'Occident, tels que l'intégrité territoriale de la Géorgie et ses aspirations européennes et atlantiques. La Turquie tente de maintenir la Géorgie dans la coopération sans s'aliéner sa population pro-occidentale ni provoquer la Russie.
Le rôle de la Turquie dans la crise actuelle en Géorgie pourrait devenir de plus en plus important. Si le dialogue entre le gouvernement GD (Géorgie démocratique) et l'opposition venait à s'interrompre complètement, les pays voisins tels que la Turquie (et éventuellement l'Azerbaïdjan) pourraient prendre l'initiative en tant que médiateurs.
Cette question comporte également une dimension humaine : les éléments de la diaspora jouent également un rôle dans cette interaction. En particulier, l'histoire tragique des Turcs d'Ahiska est une question sensible pour la diaspora dans le cadre des relations entre les deux pays. Les descendants de cette population, qui a été expulsée de la région d'Ahiska en Géorgie par le régime de Staline en 1944, vivent aujourd'hui dans divers pays, principalement en Turquie. La mémoire et les revendications des Turcs ahiska sont essentielles en tant que lien humain dans les relations entre la Turquie et la Géorgie.
En fin de compte, la visite du président géorgien en Turquie dans ces circonstances extraordinaires est un signe significatif de l'évolution des temps. Cette visite révèle également l'évolution de la philosophie de la Turquie en matière de politique étrangère : Ankara continue de mener une diplomatie de bon voisinage fondée sur des intérêts pragmatiques et la realpolitik régionale, même si cela implique d'établir des relations avec des dirigeants qui sont rejetés par les capitales européennes. Située entre l'Europe et l'Asie, la Turquie offre à la Géorgie l'assurance que tous les ponts avec l'Occident ne sont pas brûlés tant que la Turquie peut servir de médiateur et maintenir les liens. Pour la Géorgie, confrontée au risque d'isolement, la main tendue de la Turquie est une bouée de sauvetage.
En fin de compte, la visite du président géorgien en Turquie dans ces circonstances extraordinaires est un signe significatif de l'évolution des temps. Cette visite révèle également l'évolution de la philosophie de la Turquie en matière de politique étrangère : Ankara continue de mener une diplomatie de bon voisinage fondée sur des intérêts pragmatiques et la realpolitik régionale, même si cela implique d'établir des relations avec des dirigeants qui sont rejetés par les capitales européennes. Située entre l'Europe et l'Asie, la Turquie offre à la Géorgie l'assurance que tous les ponts avec l'Occident ne sont pas brûlés tant que la Turquie peut servir de médiateur et maintenir les liens. Pour la Géorgie, confrontée au risque d'isolement, la main tendue de la Turquie est une bouée de sauvetage.
Les propos tenus dans les tribunes n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
A propos de l'auteur

Il est originaire de Diyarbakir et est né en 1985. Il a terminé ses études secondaires à l'école secondaire au lycée anatolien de Buca (français) en 2003. Il a obtenu son diplôme de premier cycle dans le département des relations internationales de l'université Gazi en 2009. Il a obtenu son master en 2011 à l'Institut des sciences sociales de l'université Gazi, département des relations internationales. En 2017, il a soutenu avec succès sa thèse sur la comparaison entre la Francophonie et le Conseil turc à l'université technique de la Mer Noire et a obtenu son doctorat.
Ses domaines d'expertise sont les organisations internationales, le monde turc et le Moyen-Orient. Cemil Doğaç İPEK a effectué plusieurs séjours dans divers pays, notamment la France, la Hongrie, l’Autriche, la Suisse, le Kazakhstan, la Syrie, l’Irak, la Grèce, la Bulgarie, la Macédoine et le Kosovo, pour ses études universitaires.
İPEK parle couramment le français et l'anglais et possède des compétences intermédiaires en arabe, en zazaki et en kurmanji. Il est membre du congrès du club sportif Karşıyaka. Ces dernières années, il s'est également impliqué dans l'aïkido et le football en tant que pratiquant licencié. İpek est actuellement membre du corps enseignant de la faculté d'économie, d'administration et de sciences sociales de l'université Topkapi d'Istanbul.