Visite du pape en Türkiye: entre paranoïa et calcul politique

10:162/12/2025, Salı
MAJ: 2/12/2025, Salı
Aydın Ünal

Certains milieux ont vu dans la visite de cinq jours du Chef d’État du Vatican, le pape Léon XIV, une "opportunité" et nous avons une nouvelle fois assisté, avec stupeur, aux tentatives de récupérer un profit politique au moyen d’accusations d’une laideur affligeante. Comparer La Türkiye à un pays faible et fragile, qui serait menacé d’effondrement, de partition, d’occupation ou de christianisation en raison d’une visite officielle du pape dont chaque minute est minutieusement planifiée, relève

Certains milieux ont vu dans la visite de cinq jours du Chef d’État du Vatican, le pape Léon XIV, une
"opportunité"
et nous avons une nouvelle fois assisté, avec stupeur, aux tentatives de récupérer un profit politique au moyen d’accusations d’une laideur affligeante.

Comparer La Türkiye à un pays faible et fragile, qui serait menacé d’effondrement, de partition, d’occupation ou de christianisation en raison d’une visite officielle du pape dont chaque minute est minutieusement planifiée, relève d’une véritable paranoïa et révèle un manque profond de confiance en soi. De la même manière que la peur de l’éléphant face à la fourmi ou du lion face au lapin serait absurde, redouter le pape pour un musulman relève d’une pathologie tout aussi grave. C’est manquer de respect envers sa propre foi, son histoire et ses ancêtres. Exploiter cette peur pour grappiller quelques voix ou alimenter les eaux troubles de la discorde est une démarche indécente.


Un face-à-face millénaire qui n’a jamais changé


Nous savons que le monde chrétien considère depuis longtemps le monde musulman comme une menace, un adversaire ou un rival.
Les Croisades, lancées en 1096, n’ont jamais vraiment cessé; l’esprit croisé demeure vivant. Mais nous n’avons jamais été passifs. Tandis que les chrétiens tentaient de nous repousser vers l’Est, nous les avons contenus vers l’Ouest avec Malazgirt, la libération de Jérusalem, l’Andalousie, la conquête d’Istanbul ou encore le siège de Vienne.

Le siècle de faiblesse que nous avons traversé n’a effacé ni notre sensibilité religieuse ni notre mémoire nationale: libérer Jérusalem reste un idéal, les conquêtes passées une nostalgie vive, porteuse d’espoir. Le monde chrétien nourrit lui aussi ses rêves: Istanbul, Trabzon, Izmir, Iznik et d’autres encore hantent son imaginaire. Les positions, depuis mille ans, n’ont pas bougé.


Pourtant, il n’existe aujourd’hui ni menace directe ni danger immédiat.
Les deux camps se tiennent sur les lignes établies.
La diplomatie œuvre. Avec la Grèce tournant autour du rêve d’Izmir, avec la Russie fantasmant Istanbul, avec le monde chrétien cherchant à étouffer l’islam, chaque option politique, commerciale, militaire ou diplomatique est étudiée. À peine la Guerre d’Indépendance achevée, La Türkiye recevait déjà des visites officielles venues de Grèce, d’Angleterre, de Russie, de France ou d’Italie. C’était l’écho du "n’aie pas peur!" qui ouvre notre Hymne national: une démonstration assumée de confiance.

La véritable menace n’est pas la soutane blanche


Devons-nous vraiment craindre le pape? Allons-nous nous diviser ou nous effondrer parce qu’il a mis le pied en La Türkiye? Bien sûr que non. Ils ne peuvent visiter Istanbul, Iznik ou Ankara qu’avec une invitation, un protocole clair et une transparence totale. Depuis mille ans, ces terres sont sous domination musulmane, et incha’Allah elles le resteront. Comme hier, aujourd’hui et demain, ils peuvent y pratiquer leurs offices librement, sous notre supervision. Craindre cela — ou pire, en faire un outil de peur — ne révèle qu’une foi fragilisée.


Si inquiétude il doit y avoir, ce n’est pas la soutane blanche du pape que nous devons redouter, mais les transformations menées subtilement sous le nom d’occidentalisation, de modernisation ou même de
"réforme"
: ces tentatives de modeler nos vêtements, nos habitudes alimentaires, notre éducation ou notre façon de penser pour nous rapprocher des normes chrétiennes.

Si inquiétude il doit y avoir, redoutons plutôt la perte de respect pour l’histoire et les ancêtres, la rupture avec notre héritage, l’imitation aveugle de l’Occident. Redoutons ces générations qui glissent loin de nous: celles pour qui la consommation de porc devient "normale", celles qui célèbrent Noël ou portent une croix comme un simple accessoire.

Si inquiétude il doit y avoir, craignons non pas les leaders du monde chrétien, mais l’absence de califat.


Craindre le pape ou utiliser sa visite comme instrument de peur: voilà ce qui m’est insupportable, moi musulman turc. Et s’il faut véritablement craindre quelqu’un, qu’on craigne alors le musulman turc; le reste n’est que manipulation pour quelques voix. Une honte.

#Pape
#Vatican
#Türkiye
#diplomatie
#islam
#identité
#paranoïa
#Turquie