Puissance stratégique: Population en Türkiye

Lorsqu’on observe les pays influents et développés dans le monde, on remarque que bon nombre d’entre eux comptent parmi les plus grands en termes de population. C’est le cas, par exemple, en Extrême-Orient avec la Chine, l’Inde, l’Indonésie ou encore la Malaisie. À l’Ouest, un tableau similaire se dessine. Dans l’Union européenne, l’Allemagne – pays clé de l’UE, représentant à elle seule 60 % de l’économie européenne – constitue le principal moteur économique du continent avec une population de plus de 83 millions d’habitants.

Selon les dernières estimations publiées par le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, la population mondiale sera plus âgée, moins productive et inférieure aux niveaux attendus d’ici la fin du siècle. Les projections actuelles estiment que l’humanité continuera à croître démographiquement pendant encore cinquante ans, atteindra un pic de 10,3 milliards vers le milieu des années 2080, puis commencera à décroître pour retomber à 10,2 milliards en 2100.

Certains points de vue considèrent que le ralentissement du taux de croissance démographique et donc la diminution de la population seraient positifs en termes d’utilisation et de suffisance des ressources naturelles. Toutefois, le fait que le monde se dirige vers une crise démographique est une dure réalité. Si le taux de fécondité avait été maintenu constant dans tous les pays jusqu’à la fin de ce siècle, la population mondiale aurait pu atteindre les 18 milliards en 2100. Cependant, les données statistiques sur les taux de mortalité n’indiquent pas de changement suffisamment radical pour provoquer une telle explosion démographique. Même si les démographes des Nations Unies ne fournissent pas de chiffre définitif, les scénarios les plus probables aujourd’hui suggèrent que la population mondiale se stabilisera entre 9 et 11,4 milliards d’ici 2100.

Le fait que la majorité des personnes actuellement en âge de procréer aient grandi en tant qu’« enfant unique », ce qui a un impact profond sur les normes sociales et familiales, constitue un facteur important influençant les valeurs sociétales. Malheureusement, cette tendance gagne aussi du terrain en Türkiye. Ainsi, nombre de jeunes aujourd’hui en âge de se marier ont grandi en tant qu’enfant unique, et les futures mères élevées dans cet esprit sont devenues réticentes à l’idée d’avoir plusieurs enfants.

Les données montrent que la plupart des pays ont atteint leur pic démographique avant 2024. Actuellement, le taux de fécondité par femme est tombé en dessous de 1,4 dans de nombreux pays, entrant ainsi dans une phase de fécondité "ultra-basse". Or, pour qu’une population se maintienne (hors migrations), il est nécessaire qu’une femme donne naissance en moyenne à au moins 2,1 enfants. Plus de la moitié des pays du monde se situent déjà en dessous de ce seuil. Ce phénomène conduit à une nouvelle situation inquiétante pour l’avenir de l’humanité : une population vieillissante, ayant perdu sa capacité à contribuer à la production économique, dépendante, et générant un coût par habitant bien supérieur aux prévisions. D’ailleurs, cette situation est considérée comme la principale cause des alertes lancées concernant la viabilité des systèmes de sécurité sociale et de santé dans l’Union européenne.

Les pays qui dominent la croissance démographique mondiale se situent presque exclusivement sur le continent africain. Dans neuf d’entre eux, la population devrait doubler au cours des trente prochaines années et, selon les données actuelles, quadrupler d’ici 2100. Ce phénomène constitue l’une des principales caractéristiques qui rend l’Afrique stratégique. À titre d’exemple, la République démocratique du Congo (RDC) et l’Angola. La RDC, qui compte actuellement près de 100 millions d’habitants, devrait dépasser les 200 millions en 2054 et franchir la barre des 400 millions en 2100. Dans ces pays, les femmes ont en moyenne six enfants au cours de leur vie. Toutefois, le taux de croissance démographique y est lui aussi en diminution, et le nombre d’enfants par femme est en baisse.

Une autre donnée importante issue de l’étude des Nations Unies indique qu’à la fin des années 2070, le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans (2,2 milliards) dépassera celui des moins de 18 ans. D’ici une dizaine d’années, la population des plus de 80 ans devrait dépasser celle des enfants de moins d’un an. Cela représente une menace majeure pour l’économie mondiale, la productivité et la performance des systèmes de production.

Selon une autre analyse, le véritable problème auquel sera confronté le monde ne réside pas seulement dans la baisse ou l’augmentation de la population, mais dans les transformations des modes de vie à venir. Avec l’augmentation de l’âge moyen, les besoins et exigences croîtront, et une population vieillissante en quête de confort engendrera des coûts de vie par habitant bien supérieurs aux prévisions. Cela constitue une source d’inquiétude sérieuse.

Dans ce contexte, la Türkiye se distingue par sa situation démographique favorable dans sa région. L’un des facteurs clés de la puissance de notre pays est sans aucun doute sa population jeune. D’ailleurs, l’un des sujets les plus débattus concernant notre candidature à l’Union européenne réside dans le fait que la Türkiye serait le pays le plus peuplé de l’UE si elle y adhérait. Fin 2025, notre population devrait atteindre 87,9 millions d’habitants, ce qui place la Türkiye au 18e rang mondial parmi les 194 pays membres des Nations Unies, représentant 1,1 % de la population mondiale. Selon les projections, notre population atteindra 93,5 millions en 2050, redescendra à 89,2 millions en 2075 et pourrait diminuer de manière significative à l’approche de 2100.

Des prévisions inquiétantes suggèrent que si le taux de natalité en Türkiye tombe à 1,2 enfant par femme et reste à ce niveau, notre population, que l’on espérait voir atteindre les 100 millions, pourrait chuter en dessous de 50 millions d’ici 2100.

Le nombre de personnes de moins de 15 ans en Türkiye est en diminution, et cette tendance devrait s’accélérer. Selon les données actuelles, cette population devrait descendre à 10 millions en 2050, et à seulement 4 millions en 2100 (Eryurt, juillet 2024).

Par ailleurs, selon les projections du professeur Eryurt, la population active (15-64 ans) devrait rester stable jusqu’à un certain point. On prévoit que jusqu’aux années 2050, cette tranche représentera environ 60 % de la population, mais qu’elle chutera sous ce seuil à partir de 2075. Au début des années 2050, une personne sur quatre sera âgée de plus de 65 ans. Au milieu des années 2070, ce sera une personne sur trois, et à l’approche de 2100, quatre personnes sur dix auront plus de 65 ans. Bien que ces estimations reposent sur des données statistiques, elles suggèrent qu’en parallèle d’un déclin démographique marqué, la population âgée connaîtra une augmentation significative.

Tous ces développements signifient que la richesse démographique, qui constitue un atout majeur pour notre pays, risque de perdre son importance avec le temps. Cela affaiblirait la force stratégique dont nous disposons actuellement. L’une des caractéristiques fondamentales de l’Anatolie est d’avoir une population jeune et productive. L’érosion de ce trait constitutif entraînerait une diminution de la puissance nationale, de son potentiel économique et de sa productivité.

À la lumière de toutes ces données et projections, il apparaît clairement combien la jeunesse et la croissance démographique sont cruciales pour l’avenir de notre pays. Cela montre aussi combien la stratégie défendue avec insistance par notre Président – celle des "Trois enfants par famille" – est sérieuse, fondée et pertinente.