Crédit Photo : Hind Rajab Foundation / X
Les soldats israéliens Orel Benyaish et Yuval Vagdani, visés par des enquêtes pour crime de guerre respectivement en Roumanie et au Brésil pour leur participation aau génocide à Gaza.
L’ouverture d’une enquête par la Gendarmerie royale du Canada sur de possibles crimes de guerre liés à Gaza inquiète de nombreux soldats canadiens ayant servi dans l’armée israélienne. Bien que la GRC affirme ne viser aucune communauté, plusieurs binationaux redoutent des arrestations ou des poursuites s’ils rentrent au pays. Dans un climat de tensions diplomatiques entre Ottawa et Jérusalem, et alors que des plaintes similaires émergent dans d’autres pays, ces soldats se sentent abandonnés par les autorités israéliennes et stigmatisés dans leur pays natal, où ils sont assimilés à des criminels de guerre.
"J’ai peur de rentrer chez moi"
L’annonce d’une enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sur de possibles crimes de guerre liés à Gaza plonge plusieurs soldats canadiens ayant combattu dans les rangs de l’armée israélienne (IDF) dans l’inquiétude. Certains envisagent même de ne plus revenir au Canada, redoutant des poursuites judiciaires.
Alors que la GRC insiste sur le fait que cette
ne vise
"aucune communauté ni groupe",
l’ambiguïté du périmètre de l’enquête inquiète. Dans un contexte international marqué par la multiplication de plaintes contre des soldats israéliens, le malaise grandit.
"Ton nom est sur ce site"
En mars 2025, après plusieurs semaines de service militaire sur le front nord d’Israël, Nati Hubberman récupère son téléphone. Il découvre alors une avalanche de messages de ses amis.
"
Ils m’écrivaient : ‘Fais attention, ton nom figure sur un site’",
raconte-t-il. Ce site, c’est
, lancé par le journaliste canadien Davide Mastracci, qui accuse Israël d’avoir orchestré un
"génocide planifié à Gaza".
Mastracci, rédacteur pour le média indépendant The Maple, affirme vouloir recenser les Canadiens ayant combattu pour Israël. Au départ, Hubberman trouve la démarche marginale, mais tout change en juin.
Une enquête au périmètre qui inquiète Israël
Le 4 juin, la GRC annonce une enquête sur
"des faits liés au conflit armé Israël-Hamas"
. Officiellement, il ne s’agit pas d’une enquête criminelle, mais d’une collecte d’informations relevant de la Loi canadienne sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
L’annonce précise néanmoins que si un
"auteur présumé de crimes internationaux fondamentaux – tels que le génocide, les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité – ayant un lien suffisant avec le Canada"
est identifié, une
"enquête criminelle distincte"
pourrait être ouverte.
, confie Hubberman, citoyen canadien et israélien né à Toronto.
"Nous nous sommes tous demandé : est-ce que je peux encore rentrer au Canada en toute sécurité ? Est-ce que je vais être arrêté à la frontière ?"
"J’étais censé rentrer la semaine dernière"
Un autre réserviste, qui préfère rester anonyme et être désigné par la lettre N., a également choisi de ne pas rentrer au pays. Né à Calgary, il a passé près de 300 jours en service, principalement à Gaza, depuis les attaques du 7 octobre 2023.
"J’étais censé aller au Canada la semaine dernière"
, confie-t-il.
"Mais après l’annonce de l’enquête, j’ai eu peur de rentrer chez moi."
Le Centre pour Israël et les Affaires juives (CIJA), principal lobby juif au Canada, s’est d’abord dit
par les informations relayées dans la presse. L’ambassadeur d’Israël à Ottawa, Iddo Moed, s’est déclaré
et
Mais selon David Cooper, vice-président aux relations gouvernementales du CIJA, des échanges réguliers avec la GRC ont permis de clarifier les choses:
"Il y avait beaucoup d’informations trompeuses au début",
explique-t-il.
"Les gens pensaient que c’était une enquête ciblée contre les soldats de l’IDF — ce n’est pas le cas."
Selon lui, l’enquête a débuté par des investigations sur des Canadiens tués par le Hamas.
"Les atrocités du Hamas sont bien documentées, y compris le meurtre de plusieurs civils canadiens en Israël"
, rappelle Noah Shack, président intérimaire du CIJA.
"Toute suggestion selon laquelle des Canadiens ayant servi dans l’IDF devraient être ciblés revient à une distorsion cynique du droit."
Des soldats surveillés dans le monde entier
Cette inquiétude n’est pas isolée. Douze pays – dont le Brésil, la Belgique, les Pays-Bas, Chypre ou encore la Thaïlande – ont vu des plaintes être déposées contre des soldats israéliens depuis janvier. Dans la majorité des cas, les soldats visés étaient de simples touristes israéliens.
Au Brésil, un soldat a été sommé de quitter le pays en janvier. À Chypre, un autre soldat a fui après une plainte de la Hind Rajab Foundation.
"Dans certains cas, on a l’impression que le simple fait d’avoir été présent à Gaza suffit à être soupçonné"
, s’indigne Me Maurice Hirsch, ancien chef du parquet militaire israélien en Palestine occupée.
Hirsch, qui conseille actuellement un soldat canado-israélien, s’inquiète:
"Si le Canada accepte de fonder des enquêtes sur des publications sur les réseaux sociaux ou sur des rapports d’ONG militantes, cela remet en cause le droit à un procès équitable."
Selon lui, l’État israélien reste étonnamment passif.
"Israël chante les louanges des soldats isolés. Mais une fois leur service terminé, s’ils rentrent chez eux, ils sont livrés à eux-mêmes."
Le ministère israélien des Affaires étrangères s’est contenté de dire que le sujet relevait de l’IDF, qui a elle-même répondu que les affaires internationales relevaient de la diplomatie. Une réponse en forme de ping-pong administratif.
"Personne ne s’en soucie"
, tranche N.
"Tant qu’un soldat ne sera pas arrêté, aucune autorité ne fera quoi que ce soit."
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