Amazonie: Le combat des peuples autochtones contre la biopiraterie

13:1114/05/2024, Salı
AFP
Le président de la Fédération des Peuples Huni Kui à Acre, Brésil, Ninawa Inu Huni Kui Pereira Nunes, lors de la conférence climatique COP27, le 12 novembre 2022.
Crédit Photo : JOSEPH EID / AFP
Le président de la Fédération des Peuples Huni Kui à Acre, Brésil, Ninawa Inu Huni Kui Pereira Nunes, lors de la conférence climatique COP27, le 12 novembre 2022.

Le chef Huni Kui de l'Amazonie brésilienne exprime son espoir à l'ONU pour lutter contre la biopiraterie menaçant les savoirs traditionnels et les ressources génétiques des peuples autochtones

Mais les discussions sur la conclusion d'un traité à ce sujet progressent
"très lentement"
, affirme le cacique Ninawa, dans un entretien cette semaine à l'AFP, à Genève, en marge d'une réunion de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

Une conférence qu'il a officiellement bénie, en costume traditionnel, chant et musique, lors d'une cérémonie, devant les diplomates.

Selon lui,
"les peuples autochtones ont toujours placé leur confiance dans l'ONU"
mais il déplore qu'
"au-delà des déclarations et des recommandations aux États, les choses ne changent pas"
et le pillage des savoirs traditionnels se poursuit.

Mais
"nous voulons garder espoir en l'ONU"
, dit-il.

Le projet de traité - négocié depuis plus de 20 ans suite à une première demande lancée par la Colombie en 1999 - demande aux déposants de demandes de brevet de divulguer le pays d'origine des ressources génétiques de l'invention et si elle repose sur des savoirs traditionnels.


Or, ces ressources - micro-organismes, espèces animales et végétales, séquences génétiques... - sont de plus en plus utilisées dans de nombreuses inventions, par exemple pour les semences et médicaments, qui ont permis des progrès considérables en matière de santé, de climat et de sécurité alimentaire, selon l'ONU.

Mais les pays en développement déplorent que des brevets soient accordés sans que les peuples autochtones en soient informés ou pour des inventions qui n'en sont pas réellement car elles reposent sur des savoirs traditionnels.


"En tant que connaisseurs et protecteurs de ce savoir, nous avons beaucoup à apporter à l'humanité",
estime le chef amazonien.

Il déplore qu'
"en Amérique du Sud et au Brésil, de nombreuses entreprises se soient approprié les connaissances traditionnelles et génétiques des peuples autochtones"
sans leur autorisation.

Il regrette en particulier que dans son pays les autorités ne les consultent pas, même s'il constate que le président Lula
"démontre une grande volonté de changer les choses"
.
"Mais cela ne dépend pas seulement du président Lula"
, observe-t-il.

L'exemple de l'ayahuasca


"De nombreuses plantes sont utilisées dans la médecine traditionnelle. Des entreprises s'approprient ces connaissances pour fabriquer des parfums, des médicaments"
, dit-il.

Il cite en exemple l'ayahuasca. Décoction préparée à partir d'une liane par les peuples du bassin occidental de l'Amazonie, l'ayahuasca est vue, selon les versions, comme un remède miracle, un outil d'exploration intérieure et de développement personnel, un hallucinogène récréatif ou à l'inverse un dangereux psychotrope.

Dans certains pays, tout un juteux tourisme psychédélique s'est développé autour de cette plante, que l'on trouve désormais à la vente, en gélules ou en infusion, sur internet.


"Il y a beaucoup de laboratoires qui veulent faire des recherches (sur l'ayahuasca) pour traiter les personnes avec des problèmes psychologiques ou mentaux"
, explique le chef Ninawa.

La communauté qu'il dirige - composée de 17.000 membres au Brésil et de 4.000 au Pérou - se sent en danger face à la biopiraterie:
"la façon dont ils entrent au sein de notre communauté, à la recherche de connaissances traditionnelles et ancestrales, représente une menace très présente, très forte".

Le combat contre la biopiraterie pourrait connaître un tournant si les plus de 190 États membres de l'OMPI parviennent à conclure un accord à Genève. Ils ont jusqu'au 24 mai pour le faire et parachever ainsi plus de 20 ans de négociations.

"Nous sommes venus ici pour apporter une déclaration des peuples autochtones du Brésil, pour souligner les problèmes que causent l'appropriation de nos connaissances pour nos communautés"
, explique le chef du peuple Huni Kui.

Ces savoirs
"font partie de notre spiritualité, ce ne sont pas des ressources pour l'économie"
, dit-il.

"Il est très important que les gouvernements et les leaders le sachent: notre relation avec la Mère Nature n'est pas économique mais un moyen d'être en relation avec la vie"
, poursuit-il.

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