“Ce qui arrive à Gaza pourrait nous arriver si nous ne l’arrêtons pas”

La rédaction
16:2131/10/2025, Cuma
Yeni Şafak

À Istanbul, le Dr Mads Gilbert dénonce la destruction systématique du système de santé à Gaza.


Le médecin norvégien, figure de la solidarité internationale, appelle à unir science, art et engagement moral pour amplifier la résistance palestinienne.


Devant une salle comble à l’Université d’Istanbul, le médecin urgentiste norvégien Dr Mads Gilbert a livré un témoignage bouleversant sur la situation sanitaire à Gaza. Son intervention, l’une des plus marquantes du Tribunal sur Gaza, a mis en lumière ce qu’il qualifie de
« destruction méthodique et intentionnelle »
du système de santé palestinien.

“Derrière chaque chiffre, un être humain”


Spécialiste des urgences et témoin de terrain depuis plus de quarante ans, Mads Gilbert a commencé son allocution en égrenant les noms de médecins, infirmiers et ambulanciers palestiniens tués avec leurs familles depuis le début de la guerre.


« Derrière chaque chiffre, il y a un être humain, une famille, un soignant, une histoire »,
a-t-il déclaré, visiblement ému.

Le médecin a présenté des chiffres alarmants : plus de 1 700 travailleurs de santé tués, 301 arrêtés, des centaines d’hôpitaux et d’ambulances détruits. Selon lui, ces attaques ne sont pas des “dégâts collatéraux”, mais une stratégie de guerre visant à effondrer la capacité de survie du peuple palestinien.


« L’hôpital est le filet de sécurité de toute société. Quand on l’élimine, on vise la société elle-même »
, a-t-il affirmé.

Une expertise forgée dans les zones de guerre


Connu pour ses interventions à Gaza pendant les offensives israéliennes de 2008, 2014 et 2021, Mads Gilbert n’en est pas à son premier témoignage. Professeur de médecine d’urgence à l’Université de Tromsø (Norvège), il a consacré sa carrière à documenter les conséquences humanitaires des guerres, du Liban à la Palestine.


À Istanbul, il a replacé la crise actuelle dans un cadre historique :


« Ce n’est pas une guerre de deux ans. C’est la continuité d’une occupation de plus de quarante ans. La cause première de la mauvaise santé à Gaza, c’est l’occupation israélienne. »

Ses interventions, soutenues par des données de l’ONU et de l’OMS, visaient à établir une chaîne de responsabilité internationale pour ce qu’il a décrit comme un “génocide systématique” contre les Palestiniens.


Quand la science rencontre la résistance


Aux côtés de l’artiste islandaise-norvégienne Charlotte Qvale, Mads Gilbert a également plaidé pour une nouvelle forme de solidarité internationale : allier art et science pour
“porter la vérité au-delà des cercles militants”.

« La connaissance seule n’a pas d’ailes »
, a-t-il expliqué.
« Elle reste dans les bibliothèques si nous ne la relions pas à la culture, à la création, à l’émotion. »

Le duo a déjà organisé en Norvège des forums publics et des concerts mêlant musique, recherche et témoignages, levant plus de 75 000 dollars pour la Palestinian Medical Relief Society.


Cette approche, selon Gilbert, permet de
“transformer la compassion en action”.

Un tribunal citoyen à la portée symbolique


Présidé par Richard Falk, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme en Palestine, le Tribunal sur Gaza a réuni pendant quatre jours juristes, universitaires et témoins internationaux.


Bien que ses conclusions n’aient pas de valeur juridique contraignante, il vise à constituer un “dossier du peuple” documentant les crimes de guerre et les violations du droit international à Gaza.


Mads Gilbert, par son autorité morale et scientifique, en a incarné la dimension humanitaire. Son message final a résonné comme un appel urgent à la conscience mondiale :


« Solidarité n’est pas un mot. C’est une action. Et le temps est compté. »

Entre témoignage et plaidoyer


L’intervention du Dr Gilbert n’était pas qu’un exposé médical : c’était un acte d’accusation éthique, nourri d’années d’observation directe. Il a appelé les gouvernements, les universités et les artistes à refuser la neutralité face à la souffrance palestinienne.


« La médecine ne peut pas être neutre devant l’injustice. Soigner, c’est résister. »

Son passage à Istanbul aura marqué un tournant dans les travaux du tribunal : la santé devient désormais un champ de bataille politique et moral au cœur de la résistance palestinienne.


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