Le retour des putschs militaires en Afrique défraye la chronique. Du Mali au Niger, en passant par le Burkina Faso et la Guinée, les prises de pouvoir par des méthodes peu conventionnelles sont de retour. Mais face au modèle militaire, subsistent des pratiques politiques du même acabit, souvent teintées d’une “légalité” à polémique : les coups d’Etat institutionnels et/ou constitutionnels.
Les coups d’Etat militaires sont à nouveau au diapason des modes d’accession au pouvoir. En Afrique de l’Ouest, les putschs connaissent d’ailleurs un certain succès et une certaine popularité auprès des populations. Les scènes de liesse notées entre le Burkina Faso, le Mali, la Guinée et le Niger durant ces dernières années, au lendemain des six putschs comptabilisés dans ces quatre pays, ont donné désormais une légitimité populaire à ce mode d’accession au pouvoir, pourtant jadis moins prisé des populations. Mais si ce changement de perception a eu lieu, c’est que les putschs militaires apparaissent désormais en costard de “salvateur”.
Le recul de la démocratie
Les coups d’Etat... non militaires
Au Mali autant qu’au Burkina Faso, la situation sécuritaire face aux groupes armées terroristes et rebelles a fini par fragiliser les derniers présidents démocratiquement élus, Ibrahim Boubacar Keita (surnommé “IBK”) pour l’un, Roch Marc Christian Kaboré pour l’autre. Mais à Bamako, malgré une réélection d’IBK en 2018, il doit faire face à des mouvements de contestation dirigés par le M5 qui lui reproche son manque d’efficacité dans la lutte contre les groupes terroristes et finit par s’installer lui aussi dans des dérives autoritaires et dans la répression des manifestations. Il est éjecté du pouvoir en août 2020 par les militaires.
Mais quand il ne s’agit pas de troisième mandat via des coups d’Etat constitutionnels ou de dérives autoritaires, on a droit à l’élimination d’adversaires politiques. Au Niger, Hama Amadou a été emprisonné et forcé à l’exil par moment avant l’élection présidentielle de 2021 à laquelle ne participait pourtant pas Mahamadou Issoufou. Mais ce-dernier a voulu d’une certaine manière assurer ses arrières et continuer à avoir une certaine mainmise sur le pouvoir nigérien, et a ainsi placé sur orbite, son ancien ministre de l’Intérieur Mohamed Bazoum. Ce-dernier a fait l’objet d’un coup d’Etat le 26 juillet 2023 et est encore en détention, même si la CEDEAO tente de le restaurer dans ses fonctions en brandissant la menace d’une intervention militaire.
Le silence "complice" de la CEDEAO
Pourtant, cette CEDEAO veut incarner la sauvegarde de la démocratie mais reste silencieuse sur les graves dérives autoritaires de certains présidents de pays-membres. En plus du forcing d’Alpha Condé en Guinée, l’organisation sous-régionale n’a pipé mot lorsqu’Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire s’est présenté de façon illégale pour un troisième mandat, éliminant aussi ses concurrents les plus sérieux, l’ancien président Laurent Gbagbo et l’ancien Premier ministre Guillaume Soro.
Ces manquements de l’instance sous-régionale, couplés avec ceux de l’Union Africaine, participe à laisser bourgeonner les menaces à la démocratie et profitent surtout aux militaires dont les putschs sont désormais perçus comme des correctifs sur le continent. Le fait de ne pas dénoncer ces incidences démocratiques constituent lui-même une menace à la foi que les populations sont supposées avoir à la démocratie.
Quelques soient la portée et le scepticisme autour des coups d’Etat militaires, leur existence est liée surtout aux dérives des régimes supposément démocratiquement élus et qui surfent souvent sur une démocratie de mirage pour légitimer leurs abus. Les coups institutionnels et constitutionnels font désormais plus de mal au continent et tant qu’ils perdureront, les coups d’Etat militaires n’auront pas de souci à construire leur légitimité populaire. Aujourd’hui, les projecteurs sont braqués sur le Zimbabwe et le Gabon où les mêmes causes pourraient avoir les mêmes conséquences...