Au Cambodge, Hun Sen continue de gouverner en coulisses, estiment des experts

11:2414/10/2024, lundi
AFP
Le Premier ministre cambodgien Hun Manet regarde un téléphone lors du 14e sommet ASEAN-Nations Unies pendant les 44e et 45e sommets de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) à Vientiane, le 11 octobre 2024.
Crédit Photo : NHAC NGUYEN / AFP
Le Premier ministre cambodgien Hun Manet regarde un téléphone lors du 14e sommet ASEAN-Nations Unies pendant les 44e et 45e sommets de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) à Vientiane, le 11 octobre 2024.

Plus d'un an après l'arrivée de Hun Manet à la tête du gouvernement cambodgien, des experts estiment que la politique nationale est dirigée en coulisses par son prédécesseur et père, Hun Sen.

Lors du sommet de l'Asean organisé du 6 au 11 octobre à Vientiane, au Laos, le Premier ministre cambodgien a fait profil bas, s'entretenant avec d'autres dirigeants sans faire de déclaration publique aux médias. Depuis son investiture, Hun Manet n'a toujours pas tenu de conférence de presse pour exposer sa politique, notamment pour expliquer comment il compte maintenir un équilibre dans les relations avec la Chine et les pays occidentaux.


Son père, l'ancien Premier ministre Hun Sen, continue de donner régulièrement son avis à ses millions d'abonnés sur les réseaux sociaux. Hun Sen s'est officiellement retiré du pouvoir en 2023 après quatre décennies de règne, passant le relais à son fils aîné, vainqueur d'élections législatives sans suspense, faute de réelle opposition.

En février, Hun Sen a pris la présidence du Sénat, un rôle honorifique et cérémoniel de premier plan, juste derrière celui du roi Norodom Sihamoni. Cela lui permet d'accueillir les diplomates étrangers, comme lorsqu'il était Premier ministre. Quelques mois plus tard, il a réaffirmé son autorité en déclarant:


Ma vie politique n'est pas terminée (...) Je suis le père du Premier ministre.

À sa demande, l'inauguration d'un chantier controversé d'un canal à 1,7 milliard de dollars entre le fleuve Mékong et le golfe de Thaïlande a même été avancée au 5 août, jour de son 72e anniversaire.


Entreprise familiale


Ancien cadre des Khmers rouges, Hun Sen est arrivé au pouvoir en 1985 et a contribué à moderniser un pays dévasté par la guerre civile et le génocide. Au moment de quitter le pouvoir, il était le dirigeant ayant régné le plus longtemps en Asie. Son autorité repose sur le soutien d'élites loyales, tandis que la quasi-totalité de l'opposition a été écrasée par la répression et des tribunaux politisés.


Hun Manet
"est un visage nouveau pour un vieux système"
, estime Sebastian Strangio, auteur du livre Hun Sen's Cambodia.
"L'année écoulée montre clairement que Hun Sen reste la personnalité politique la plus puissante et la plus influente du Cambodge et qu'il continue de jouer un rôle important dans la prise de décision"
. La présidence du Sénat, ajoute-t-il,
"était censée être une mission honorifique, mais elle est devenue un axe de pouvoir alternatif au sein du système politique"
.

La répression continue


Diplômé de l'Académie militaire de West Point aux États-Unis, Hun Manet a été préparé pendant des années par son père pour occuper le poste de Premier ministre. Son sourire chaleureux et sa voix douce contrastent avec le visage sévère de Hun Sen, qui était connu pour ses tirades contre les journalistes couvrant les questions de droits humains et de corruption.

Hun Manet a adopté
"une approche plus technocratique et plus mesurée"
par rapport au style autoritaire de son père, selon Sophal Ear, professeur associé à l'Université de l'État d'Arizona
. "Il semble qu'une dynamique de pouvoir dual soit à l'œuvre, par laquelle Hun Sen maintient une influence considérable sur les décisions majeures, particulièrement dans les domaines sensibles comme la politique étrangère et la sécurité"
, estime-t-il.
"Si Hun Manet se charge de la gouvernance quotidienne, les décisions stratégiques plus importantes impliquent, elles, à la fois le père et le fils"
.

Parmi les défis auxquels Hun Manet doit faire face selon les experts : la relance de l'économie, des problèmes internes au sein du parti et l'équilibre des relations avec la Chine et les pays occidentaux. Depuis 2023, la répression contre les rivaux et détracteurs du pouvoir n'a pas faibli.

Mech Dara, un journaliste primé ayant enquêté sur le trafic d'êtres humains lié aux cyber-escroqueries, a été arrêté en septembre pour incitation au désordre. En juillet, un chef de file de l'opposition a dû payer une amende de 1,5 million de dollars après avoir déclaré que la situation du Cambodge en matière de démocratie "s'aggravait" sous Hun Manet.


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