- 26.11.2025, mercredi
- 10:27
Sayyid Husayn Nasr (né en 1933) est l’un des plus éminents érudits et soufis contemporains. Né à Téhéran, il effectue ses premières études en Iran avant de poursuivre sa formation en Occident. Il obtient un doctorat en cosmologie islamique à l’université Harvard, puis s’installe aux États-Unis en 1979. Depuis 1984, il enseigne les études islamiques à l’université George Washington. İbrahim Kalın décrit Nasr comme "un sage qui retrace les origines de l’islam traditionnel dans le monde moderne" .
Sayyid Husayn Nasr (né en 1933) est l’un des plus éminents érudits et soufis contemporains. Né à Téhéran, il effectue ses premières études en Iran avant de poursuivre sa formation en Occident. Il obtient un doctorat en cosmologie islamique à l’université Harvard, puis s’installe aux États-Unis en 1979. Depuis 1984, il enseigne les études islamiques à l’université George Washington.
İbrahim Kalın décrit Nasr comme
"un sage qui retrace les origines de l’islam traditionnel dans le monde moderne"
. En effet, Nasr incarne ce rôle : par sa maîtrise des sciences islamiques classiques et des sciences modernes, il crée un véritable pont entre les deux sphères.
Le soufisme constitue le cœur de son identité intellectuelle. Pour Nasr, il représente la dimension intérieure de l’islam, son essence spirituelle. Contrairement à certains préjugés modernes,
il affirme que le soufisme n’a jamais divisé la société islamique ; au contraire, il l’a unifiée intérieurement
. Suivant les traces des grands maîtres du passé, il réunit connaissance extérieure et vérité intérieure, incarnant à la fois l’érudit et le sage.
La pensée pérennialiste et l’unité de la vérité
La pensée pérennialiste et l’unité de la vérité
Nasr occupe également une position majeure dans l’école pérennialiste, aux côtés de penseurs tels que René Guénon, Frithjof Schuon, Éric Geoffroy ou Julius Evola. Cette école affirme que la vérité primordiale — la
sophia perennis
— traverse toutes les traditions religieuses.
Selon Kalın, Nasr propose de revenir à un cadre métaphysique fondé sur les enseignements anciens afin d’échapper aux impasses de la modernité. Pour lui, l’unité de la vérité se manifeste dans la diversité des religions et des cultures. Le principe de
"l’unité transcendante des religions"
s’appuie sur le
tawhid
, cœur de toutes les croyances véritables, et constitue un fondement solide pour le respect et la paix interconfessionnelle. Cette vision rejoint largement la tradition de coexistence de la pensée turco-islamique.
Tawhid, science islamique et vision sacrée du monde
Tawhid, science islamique et vision sacrée du monde
Selon Kalın, Nasr a presque à lui seul revitalisé le concept de
"science islamique"
depuis les années 1960. Cette science se définit comme "
l’étude systématique des phénomènes naturels dans la perspective du tawhid"
.
Chaque élément de l’univers est pour lui un signe
(ayat)
d’Allah, porteur d’une dimension sacrée. La tradition scientifique islamique classique, affirme Nasr, reposait sur une compréhension holistique combinant raison
(‘aql)
et intuition. Ainsi se forme une conception non réductionniste de la science, enracinée dans des principes métaphysiques tout en restant attentive aux observations empiriques.
Nasr a également ravivé le concept de
Scientia Sacra
(la connaissance sacrée). Dans ses ouvrages
Knowledge and the Sacred
et
The Need for a Sacred Science
, il explore la manière dont la science moderne pourrait être réinscrite dans une vision sacrée du cosmos.
Modernité, crise spirituelle et écologie
Modernité, crise spirituelle et écologie
Nasr est l’un des critiques les plus vigoureux de la modernité. Selon lui, le modernisme repose sur un projet fondé sur la marginalisation du sacré, où l’homme se substitue à Dieu comme référent ultime de la vérité.
Il explique que la science moderne est née de l’abandon progressif de la vision sacrée du cosmos en Occident. À partir de la révolution scientifique, l’univers a été réduit à une simple machine dépourvue de finalité. Kalın résume bien la pensée de Nasr : seule une reconstruction métaphysique fondée sur les traditions religieuses peut restaurer une relation authentique entre la science et la spiritualité.
Nasr est également une figure pionnière de l’écologie spirituelle. Dès les années 1960, il diagnostique la crise écologique comme une crise avant tout spirituelle. Pour lui, la nature — saturée de signes divins — doit être resacralisée. Les enseignements islamiques sur la protection de l’eau, du sol, des animaux, ainsi que le fameux hadith
"plantez le jeune arbre que vous avez en main même si le Jour du Jugement arrive demain"
, constituent pour lui les fondements d’une éthique environnementale islamique.
L’unité comme principe fondamental
L’unité comme principe fondamental
Le concept central de la pensée de Nasr est celui de
wahdat
(unité). Dérivé directement du
tawhid
, il affirme que toute existence provient du Dieu unique et en est le reflet.
Nasr insiste sur l’unité entre charia, tariqa et haqiqa : l’extérieur doit servir l’intérieur, et la multiplicité doit conduire à l’unité. Même les divisions historiques — sunnites, chiites — demeurent secondaires à ses yeux, tant la dimension spirituelle commune les dépasse.
Il souligne fréquemment que les grands maîtres soufis, comme
Mevlânâ
ou
Ibn Arabî
, ont uni les cœurs au-delà des écoles et des frontières. Le fait que de nombreux ouvrages de Nasr aient été traduits en turc, et que des intellectuels comme
İbrahim Kalın
lui aient consacré des études, témoigne de son influence dans la pensée turco-islamique contemporaine.
Un guide de sagesse pour notre époque
Un guide de sagesse pour notre époque
Sayyid Husayn Nasr apparaît comme un guide qui propose la sagesse éternelle de l’islam face à la crise de sens moderne. Il rappelle que le progrès matériel doit impérativement s’accompagner d’un progrès spirituel. L’être humain, en tant que
"lieutenant de Dieu"
sur terre, n’atteint la perfection qu’en réalisant son unité avec le Créateur et la création.
Au fond, le message de Nasr est celui de l’unité : unité intérieure de l’être humain, unité de la ummah, unité de la connaissance et de la foi, harmonie entre l’humanité et la nature
. Pour les lecteurs turcs comme pour tous ceux qui cherchent un sens, Nasr demeure une figure inspirante, enracinée dans la tradition et tournée vers la sagesse universelle.
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