Les armées sont devenues "X" : comment Elon Musk a recadré les États

15:3125/11/2025, mardi
Ersin Çelik

Le nouvel outil activé il y a quelques jours par X a exposé au grand jour une réalité dont on parlait depuis des années sans jamais pouvoir la prouver : les États ont bel et bien constitué de véritables "armées" sur les réseaux sociaux. Leur localisation, les centres qui les dirigent, les identités masquées sous lesquelles ils opèrent — tout est désormais visible. Pour comprendre la rupture qui se déroule sous nos yeux, il faut d’abord l’admettre : les réseaux sociaux ne sont plus un espace de débat,

Le nouvel outil activé il y a quelques jours par X a exposé au grand jour une réalité dont on parlait depuis des années sans jamais pouvoir la prouver : les États ont bel et bien constitué de véritables
"armées"
sur les réseaux sociaux.

Leur localisation, les centres qui les dirigent, les identités masquées sous lesquelles ils opèrent — tout est désormais visible.


Pour comprendre la rupture qui se déroule sous nos yeux, il faut d’abord l’admettre : les réseaux sociaux ne sont plus un espace de débat, mais le front principal d’une guerre par procuration entre États. Elon Musk vient de soulever le voile sur cette guerre que l’on menait depuis longtemps derrière nos écrans. Et il l’a soulevé à un point tel qu’aucun État ne peut plus dire
"ce n’est pas moi".
Il devient tout aussi impossible de prétendre que
"les réseaux sociaux sont un simple lieu de discussion".

Les révélations brutales de ces derniers jours montrent que la structure même de la conversation numérique a changé d’échelle, révélant des mécanismes de guerre psychologique qui, jusque-là, restaient dans l’ombre.


Le vrai utilisateur : une exception


L’explosion synchronisée des comptes d’opération sur X a dévoilé non seulement leurs positions géographiques, mais aussi la coordination interne des cellules automatisées. Le tableau qui se dessine est sans précédent : réseaux sionistes, groupes basés aux Émirats, en Arabie saoudite et en Égypte, médias pilotés depuis les États-Unis et l’Allemagne, usines à trolls en Inde et à Taïwan, ainsi que des opérations africaines se faisant passer pour des comptes gazaouis.


En résumé :


* Les comptes prétendant défendre une posture islamiste tout en attaquant le Hamas, l’Ihvan ou la résistance sont dirigés depuis l’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats.
* Les profils se déclarant "Syriens" et cherchant à exciter le nationalisme en La Türkiye sont contrôlés par des équipes saoudiennes.
* Certains journalistes ciblant Gaza seraient connectés au Mossad et pilotés depuis les États-Unis et l’Allemagne.
* Des milliers de comptes soutenant l’extrême droite israélienne proviendraient d’Inde.
* Une partie des comptes prétendant publier "depuis Gaza" seraient en réalité administrés depuis plusieurs pays d’Afrique.

Ce tableau dit clairement une chose : sur les réseaux sociaux, le véritable utilisateur — la véritable voix humaine — est devenu une exception.


Des Don Quichotte face aux moulins


Cela fait deux ans que je n’ai plus de compte X, mais les opérations menées là-bas continuent d’influencer tous les aspects de la vie publique : tremblements de terre, incendies, élections… Nous avons expérimenté à maintes reprises à quel point X peut devenir une machine de destruction sociale et de chaos.


Dans ma chronique publiée en juillet dernier, intitulée
"Don Quichotte qui insultent les bots"
, j’écrivais déjà :
"Un partage sur trois sur X n’est pas humain. Et les utilisateurs de bonne foi qui tentent de remettre les bots à leur place, de convaincre, de rétablir une vérité, ne se rendent pas compte qu’ils rejouent aujourd’hui le combat de Don Quichotte contre les moulins à vent."

Musk montre sa puissance aux États


La vraie question n’est pas seulement l’identification de ces comptes. La question que tout le monde se pose désormais est la suivante : quel objectif poursuit Elon Musk en exposant ainsi les réseaux clandestins des États ?


Comme l’a dit Yuval Noah Harari, l’un des cerveaux les plus influents de l’époque et figure dominante de la pensée sioniste contemporaine :
"Ceux qui contrôlent la donnée définiront l’avenir non seulement de l’humanité, mais de la vie elle-même."

Voici mon observation : en révélant les opérations clandestines que les États menaient sur X, Elon Musk a montré sa propre puissance. Il a également déclaré que X n’est pas un simple réseau social, mais un espace de souveraineté numérique.


Alors que l’on discute de plus en plus ouvertement du fait que les grandes entreprises technologiques affaiblissent la puissance des États, Musk a envoyé ce message limpide aux puissances mondiales :


Je suis le propriétaire et le maître de X. Pendant que vous vous battez entre vous, c’est moi qui contrôle votre champ de bataille. Vous ne pouvez combattre que dans les limites que je vous fixe.

Les États ont construit des armées numériques ; Musk, lui, a montré qu’il en contrôlait le terrain.


Le tournant de l’ère des réseaux sociaux


Ces révélations vont-elles décrédibiliser les plateformes aux yeux des utilisateurs ? Tout porte à le croire. Mais, en réalité, les plateformes changent de peau en permanence pour continuer de retenir leurs usagers.


Byung-Chul Han décrit parfaitement la situation actuelle :

"La transparence transforme l’homme en verre. Une liberté et une communication illimitées se retournent en contrôle et en surveillance totale."

Les utilisateurs doivent rester visibles pour exister dans cet espace, tandis que les États cherchent à devenir invisibles.


La guerre numérique ne s’arrêtera pas avec ces révélations ; le front a déjà changé. Elon Musk a posé le geste qui redéfinira l’avenir des réseaux sociaux : en expulsant les structures de renseignement des États hors de X, il a montré qui détiendra l’autorité dans l’univers de l’intelligence artificielle.


Ainsi, l’objectif de Musk n’est pas de minimiser les armées numériques des États, mais de leur faire reconnaître
"qui est le vrai commandant".

Aujourd’hui, une question n’est plus un dilemme : les armées numériques des États sont-elles plus puissantes, ou bien s’agit-il des empires technologiques — META, X, Amazon, TikTok — qui contrôlent leur champ de bataille ?


La nouvelle question est désormais celle-ci : dans ce nouvel ordre de souveraineté numérique, les États contrôleront-ils les géants technologiques, ou les géants technologiques contrôleront-ils le destin des États ?
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