François Burgat dénonce une "ségrégation institutionnelle" visant les musulmans en France

13:411/10/2025, mercredi
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François Burgat, politologue français connu pour ses travaux sur l'islamophobie et le monde arabe, s'est exprimé devant un journaliste de l'agence AA, le 9 octobre 2025.
Crédit Photo : AA / Archive
François Burgat, politologue français connu pour ses travaux sur l'islamophobie et le monde arabe, s'est exprimé devant un journaliste de l'agence AA, le 9 octobre 2025.

Invité à Genève par l’association Cojep International pour une conférence sur les droits de l’homme organisée au siège des Nations unies, le politologue François Burgat a dressé un constat sévère sur l’évolution du climat politique français à l’égard des citoyens de confession musulmane.

Lors d'une interview enregistrée lors de cette rencontre ce mardi, le chercheur français a souligné que
"la loi de 2021 avait déjà fonctionné avant d’être adoptée"
, rappelant que la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) avait marqué un tournant. Selon lui, les années qui ont suivi ont été marquées par une
"cascade de mesures"
visant les associations, les structures éducatives et même des maisons d’édition musulmanes.

Burgat a également relié cette dynamique à la situation au Proche-Orient et notamment à la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza.
"La matrice du soutien à Israël par une majorité des partis politiques, c’est l’islamophobie"
, a-t-il affirmé, estimant que le débat public privilégie la criminalisation d’acteurs palestiniens plutôt qu’une analyse fondée sur le droit international.

Le chercheur situe cette politique dans une continuité historique.
"Ce n’est pas une guerre des religions"
, a-t-il insisté, mais une réaction postcoloniale de la France envers des populations issues de son passé impérial. Pour lui, la société française refuse que
"la quatrième génération [de musulmans] prenne la parole"
sur un pied d’égalité avec les autres citoyens.

Tout en notant des dynamiques positives dans la prise de parole publique des musulmans en France, Burgat observe que cette évolution reste fragilisée par un climat politique globalement défavorable. Selon lui, la quatrième génération issue de l’immigration musulmane a désormais acquis les outils linguistiques, culturels et sociaux qui lui permettent de s’exprimer dans l’espace public au même titre que les autres citoyens. Cette affirmation nouvelle constitue, insiste-t-il, un progrès démocratique majeur.


Cependant, cette prise de parole se heurte à une tendance lourde : l’emprise du discours de l’extrême droite au sein de la vie politique française. Burgat considère que les idées autrefois marginales — mettant en avant la peur de l’
"autre"
, l’islamophobie et une vision identitaire de la nation — ont fini par s’imposer non seulement à la droite traditionnelle, mais aussi à une partie de la gauche. Autrement dit, ce qui relevait auparavant du monopole du Rassemblement national s’est diffusé dans le vocabulaire, les thématiques et parfois les programmes des autres formations politiques.

C’est ce constat qui nourrit son pessimisme. Malgré l’émergence d’une parole musulmane plus visible et assumée, le chercheur souligne qu’
"aucune contre-tendance idéologique"
forte n’a, jusqu’ici, réussi à inverser ce rapport de force.
"Pour l’instant, je suis pessimiste"
, conclut-il, tout en affirmant qu’il espère toujours être démenti par un éventuel revirement à moyen ou long terme.

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