Frères musulmans: le recteur de Paris dénonce une République du soupçon

David Bizet
11:0428/05/2025, mercredi
Yeni Şafak
Chems-eddine Hafez, recteur de la mosquée de Paris, dénonce le rapport sur l'entrisme des Frères Musulmans.
Crédit Photo : Omar Boulkroum / Grande Mosquée de Paris
Chems-eddine Hafez, recteur de la mosquée de Paris, dénonce le rapport sur l'entrisme des Frères Musulmans.

Dans un texte exceptionnellement ferme, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, connu pour sa réserve vis-à-vis des autorités, dénonce avec force le rapport gouvernemental sur les Frères musulmans. Il l'accuse de stigmatiser l'ensemble des musulmans de France sous couvert de sécurité, en instaurant une suspicion généralisée. Ce rapport, selon lui, ne cherche pas à comprendre mais à exclure, en confondant croyances et menaces, et en alimentant un climat de peur et de rejet. Le recteur souligne que le sentiment communautaire musulman est une réaction de survie face à des décennies d'humiliations et de discriminations, et non un projet politique. Il appelle la République à renouer avec ses valeurs d'inclusion et de justice.

Même le recteur s’insurge


Chems-Eddine Hafiz
, recteur de la Grande Mosquée de Paris, réputé pour sa modération et sa proximité avec les cercles républicains, a pris tout le monde de court en publiant un texte d'une rare virulence contre le rapport gouvernemental consacré aux Frères musulmans. Intitulé
"J’accuse… la République de livrer ses enfants à la suspicion"
, ce billet marque un tournant dans la position publique du recteur, jusqu’alors peu enclin à critiquer frontalement l’État.

Dans ce texte publié le 26 mai, Hafiz dénonce avec gravité une dérive liberticide, pointant du doigt une République qui
"cède aux facilités de l’obsession".
Le rapport, selon lui, ne serait rien d’autre qu’
"une arme rhétorique, maniée contre une partie du peuple français"
, accusée sur la base de ses croyances et de son apparence.

"Ce rapport n’est pas un outil de sécurité. C’est une arme rhétorique, maniée contre une partie du peuple français"
, écrit-il, avant d’ajouter que
"ce ne sont pas les Frères musulmans que ce texte vise — ce sont les musulmans de France, dans leur entièreté, dans leur diversité, dans leur dignité".

L’accusation est lourde. Rarement, dans l’histoire récente de cette institution centenaire, un recteur n’avait usé de mots aussi tranchants pour dénoncer une initiative gouvernementale. Hafiz affirme que ce document installe
"un climat délétère"
où l'on
"traque non pas des actes, mais des intentions"
, stigmatisant ainsi des millions de citoyens musulmans.

"Une trahison morale" dénoncée


Le recteur de la mosquée de Paris voit dans ce rapport une
"trahison morale"
du pacte républicain. Il s’indigne qu’une liste de 400 personnes jugées influentes suffise à jeter le soupçon sur une population entière, construisant
"une fresque uniforme et menaçante"
à partir d’une diversité réelle.

"De l’anecdotique, on fabrique du systémique"
, écrit-il, fustigeant une République qui
"regarde dans les cœurs ce qu’elle ne trouve pas dans les actes".

Il interroge aussi le calendrier de publication du rapport, quelques semaines seulement après le meurtre d’un fidèle musulman en pleine prière:


"Pourquoi, quelques semaines à peine après l’assassinat du fidèle Aboubakar Cissé, oppose-t-on le silence au chagrin, et le soupçon au deuil ?"

Un appel à l’unité républicaine


Dans son texte, Hafiz cite des figures musulmanes éminentes, scientifiques, écrivains, entrepreneurs, pour rappeler que l’islam de France n’est pas une menace, mais
"une richesse"
. Il s’attaque à une
"cruauté médiatique continue"
qui, selon lui, a mené à un sentiment d’exclusion identitaire :

"Ce communautarisme tant redouté (…) n’est que la résultante d’une longue chaîne de blessures"
, écrit-il, rejetant l’idée d’un islam politique ou radical dans les jeunes générations.

Au lieu de renforcer la République, le rapport
"l’avilit"
, juge le recteur, qui appelle
"tous les républicains, musulmans ou non"
, à refuser
"cette pente funeste".

Ce réquisitoire, inattendu de la part d’un homme connu pour ses discours mesurés, illustre à quel point le dernier rapport sur les Frères musulmans suscite une vague de rejet dans les milieux musulmans, bien au-delà des cercles militants.


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