Le CO2 et El Niño poussent les océans vers des records de chaleur

16:407/03/2024, jeudi
AFP
Photomontage montrant un récif corallien sur l'île de Kiritimati, photographié avant et après le fort phénomène El Niño de 2015/2016.
Crédit Photo : Danielle Claar, Kevin BRUCE / VICTORIA UNIVERSITY / AFP
Photomontage montrant un récif corallien sur l'île de Kiritimati, photographié avant et après le fort phénomène El Niño de 2015/2016.

Après avoir accumulé d'importantes réserves de chaleur en 2023, les océans ont atteint de nouveaux sommets de température en février. Ce phénomène découle de l'inertie thermique des océans, associée au réchauffement climatique et au phénomène El Niño.

En février, la température moyenne des eaux de surface a culminé à 21,06°C, établissant ainsi un record mensuel absolu, selon les données de l'observatoire européen Copernicus.


Le record quotidien a également été battu le 28 février, atteignant 21,09°C. Ces températures exceptionnelles surviennent alors que l'été bat son plein dans l'hémisphère Sud, où se trouvent les plus vastes étendues océaniques.


Ces records, bien que saisissants, ne surprennent pas compte tenu de l'inertie caractéristique des océans, dont la température évolue de manière beaucoup plus lente que celle de l'atmosphère, explique Thibault Guinaldo, chercheur en océanographie spatiale au Centre d'études en météorologie satellitaire (CEMS) de Lannion, dans l'ouest de la France.


Il souligne également que cette année est une continuité de 2023, une année record, marquée par des anomalies de température atteignant jusqu'à 5°C au printemps, au large de l'Irlande et en Mer du Nord, une occurrence sans précédent.

Cependant, M. Guinaldo tempère ces résultats en indiquant que le début de l'année 2024, sans prendre en compte l'impact de l'année précédente, n'est pas particulièrement exceptionnel.


La principale cause de ces records demeure le réchauffement climatique, alimenté par les émissions de gaz à effet de serre qui ont atteint un nouveau pic en 2023, notamment celles liées à l'énergie.


L'océan, qui absorbe 90% de l'excès de chaleur résultant des activités humaines, a stocké l'année dernière une quantité d'énergie colossale, suffisante pour chauffer des milliards de piscines olympiques, selon une étude internationale publiée en janvier.


"Ces pics de chaleur continus, qui couvrent 70% de la surface de la planète, ont suscité des craintes quant à une accélération du changement climatique"
, explique Éric Guilyardi, océanographe et climatologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Cependant, il rappelle que le climat nécessite une analyse sur de plus longues périodes, souvent de 20 à 30 ans, pour discerner les tendances.

Outre le réchauffement climatique, les variations de température peuvent être attribuées aux phénomènes naturels, notamment El Niño. Localisé dans l'océan Pacifique tropical, ce réchauffement régional influe mathématiquement sur la température moyenne de la planète, selon M. Guilyardi.

Après trois années de phénomène La Niña, marquées par des températures relativement froides, le passage à El Niño a entraîné un réchauffement, explique-t-il. Cette alternance peut expliquer des variations de température mondiales d'une année sur l'autre, jusqu'à 0,3 degré.


Dans le même temps, l'océan Atlantique a subi des modifications atmosphériques qui ont amplifié le réchauffement climatique, avec moins de vent entraînant moins de refroidissement et plus de chauffage direct de l'atmosphère, décrit Juliette Mignot, océanographe à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).


Ce réchauffement, associé à une acidification des océans, a des répercussions sur les écosystèmes marins, rendant notamment la croissance de certains organismes plus difficile et perturbant la chaîne alimentaire des poissons.

Au niveau mondial, une diminution des températures pourrait être observée dans les mois à venir, avec un affaiblissement d'El Niño dans le Pacifique. Le retour de La Niña, qui a un effet refroidissant, est même prévu cet été ou à l'automne par l'agence océanographique américaine NOAA. Cependant, cela ne devrait pas entraîner une baisse significative des températures, en raison du maintien du réchauffement climatique.


"Avec une année 2023 exceptionnelle, nous avons franchi un nouveau seuil"
, conclut M. Guinaldo.

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