Ligue Europa: le football grec gangréné par la violence

18:598/11/2023, mercredi
MAJ: 8/11/2023, mercredi
AFP
Crédit Photo: SAKIS MITROLIDIS / AFP / ARCHIVES.
Crédit Photo: SAKIS MITROLIDIS / AFP / ARCHIVES.

Deux meurtres, une multitude d'incidents et des outrances verbales: la violence liée au football se déchaîne en Grèce, où se rend l'Olympique de Marseille jeudi, pour un match de Ligue Europa contre l'AEK Athènes.

Dans un pays en crise économique, les tribunes deviennent des exutoires où l'agressivité s'adosse aux rivalités entre clubs, nourries par des propriétaires aux intérêts dépassant les limites du terrain qui n'hésitent pas à exacerber les tensions.


En mars 2018, l'homme fort du PAOK Salonique Ivan Savvidis avait pénétré sur la pelouse, arme à la ceinture, pour menacer un arbitre. En avril 2023, le patron de l'Olympiakos Le Pirée Evangelos Marinakis a fait irruption sur le terrain pour s'en prendre aux officiels. Par ailleurs président de la Super League - le Championnat grec -, il est en conflit ouvert avec la Fédération
"où règne l'État profond et le crime organisé"
, selon sa formule.

"Les enjeux financiers liés au titre de champion sont trop élevés pour être laissés au seul jeu"
, analyse Georgios Antonopoulos, professeur en criminologie à l'Université Northumbria de Newcastle et membre de la Global Initiative Against Transnational Organized Crime.

La nomination d'arbitres étrangers pour les derbys d'Athènes ou de Salonique et l'interdiction quasiment systématique de déplacements pour les supporters des équipes visiteuses peinent à calmer la situation.


Deux morts en un an et demi


"Devenir un président de club à succès n'est pas le résultat de l'amour pour le football, c'est une autre façon de consolider son pouvoir et son influence économique et politique"
, précise M. Antonopoulos.

Les joutes verbales entre propriétaires de clubs, par ailleurs armateurs, puissants hommes d'affaires et de médias, attisent constamment les rancœurs. Les réunions entre représentants de clubs se terminent souvent par des insultes, parfois par des coups, créant un environnement toxique.


"Les acteurs du football ont une responsabilité importante dans ce climat de rivalité à travers une rhétorique d'intolérance et des efforts visant à imposer leur pouvoir aux institutions sportives"
, note Yannis Zaïmakis, professeur de sociologie culturelle et sportive à l'Université de Crète.

Pas un mois ne passe sans incidents entre supporters rivaux : agressions, affrontements organisés, expéditions punitives... Deux jeunes hommes ont perdu la vie en un an et demi.


Début août, Michalis Katsouris, fan de l'AEK, a été tué au cours de l'attaque de hooligans d'extrême-droite grecs et croates à Athènes. Le 1er février 2022, Alkis Kampanos était battu à mort par des hooligans du PAOK, club rival du sien, l'Aris, à Thessalonique.

"L'état dystopique du football grec"


"La violence dans le football grec est liée à des facteurs sociaux plus larges impliquant, d'une part, des impasses sociales des jeunes et un sentiment généralisé d'insatisfaction à l'égard des institutions et, d'autre part, l'état dystopique du football grec en proie à un sentiment généralisé de favoritisme, à des réseaux clientélistes et un jeu de pouvoir d'acteurs puissants"
, résume le professeur Yannis Zaïmakis.

Le chômage des moins de 30 ans atteint 26,5% en Grèce, le deuxième plus haut total de l'Union Européenne, et la précarité devient un facteur propice à l'explosion de la délinquance chez les jeunes. Sur les huit premiers mois de 2023, elle a augmenté de 56% par rapport à l'année précédente.

"La violence qui existe dans le football est un phénomène social, le sport fait partie de la société"
, abonde Leftheris Papas, fondateur et président de l'association "Au nom d'Alkis".

Créée au lendemain du meurtre d'Alkis Kampanos, elle œuvre pour changer la culture du supportérisme grec face à l'immobilisme des autorités.


La Fédération hellénique de foot n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP. Mais après le meurtre de Michalis Katsouris début août, le Premier ministre grec avait annoncé un renforcement de la présence policière dans les stades et la fermeture des associations de supporters.


"La facilité avec laquelle ont agi les meurtriers est lié au sentiment d'impunité totale qui existe dans ce pays"
, pointe Lefteris Papas.
"Et quand le pilier de la Justice ne fonctionne pas, se développent les conditions d'une jungle où règne la loi du plus fort"
.

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