
Le 8 septembre prochain, François Bayrou jouera sa survie à l’Assemblée nationale. En engageant la responsabilité de son gouvernement sur un plan d’économies de 44 milliards d’euros, le Premier ministre a choisi la fuite en avant : transformer un budget contesté en épreuve de vérité. Mais cette vérité risque de lui être fatale.
Un gouvernement déjà condamné
Les oppositions ont rapidement scellé son sort. La gauche radicale, les communistes, les écologistes et le Rassemblement national ont tous annoncé qu’ils voteraient contre la confiance. Le Parti socialiste, arbitre possible, a tranché : il ne soutiendra pas Bayrou. Son sort est donc quasiment scellé, huit mois seulement après son arrivée à Matignon.
Un problème plus vaste que Bayrou
La chute annoncée du Premier ministre révèle surtout l’impasse politique dans laquelle est enfermée la France depuis la dissolution de 2024. L’Assemblée nationale, éclatée en trois blocs (gauche, macronistes / centristes et extrême droite), ne produit aucune majorité stable. Après Michel Barnier, renversé en trois mois, Bayrou s’apprête à connaître le même sort. La mécanique institutionnelle de la Ve République, conçue pour éviter la valse des gouvernements, se grippe sous nos yeux.
À gauche, la radicalité domine : La France insoumise (LFI), qui réclame une présidentielle anticipée, a prévenu qu’elle n’apporterait jamais sa confiance à un gouvernement qui n’assumerait pas un programme de rupture. Autant dire que le champ de manœuvre de Bayrou, déjà réduit à néant, est politiquement inexistant.
La dette, talon d’Achille français
Le spectre de la rue
Si les marchés grondent, la rue s’organise. Dès le 10 septembre, un appel à la grève générale soutenu par plusieurs partis et relayé sur les réseaux sociaux menace de paralyser le pays. Les syndicats hésitent encore sur la forme à donner à la mobilisation, mais l’intersyndicale du 1er septembre pourrait servir de déclencheur.
L’histoire récente rappelle que la rue reste un acteur incontournable. Gilets jaunes en 2018, mobilisation massive contre la réforme des retraites en 2023 : chaque tentative d’austérité rencontre un mur social. La France peut accepter des déficits chroniques, rarement des sacrifices imposés au quotidien.
Macron en première ligne
Dans ce contexte, Emmanuel Macron se retrouve encore une fois au centre du jeu. Fidèle à sa ligne, il assure vouloir aller au bout de son mandat jusqu’en 2027, quoi qu’il arrive. Mais ses marges sont infimes.
Certes, il pourrait nommer un nouveau Premier ministre, mais sans majorité à l’Assemblée, celui-ci ne durerait guère plus que ses prédécesseurs. L’option d’un gouvernement technique, parfois évoquée, ne constituerait qu’un sursis : elle repousserait la crise sans la résoudre. Quant à une dissolution, elle paraît la plus périlleuse. L’expérience de 2024, qui a abouti à une chambre ingouvernable, hante encore les esprits et rend ce scénario risqué, voire suicidaire.
Les oppositions, elles, réclament soit la dissolution, soit carrément la démission du président. Mais un départ anticipé de Macron ne réglerait rien : les fractures politiques et sociales demeureraient.
Une impasse systémique
La crise actuelle dépasse les personnes. Elle met en lumière les limites d’un système institutionnel qui, depuis 1958, avait résisté aux tempêtes. Aujourd’hui, la Ve République semble incapable de produire une majorité stable et de répondre à la double pression de la dette et de la contestation sociale.
Le site d’information européen Politico, spécialisé dans les affaires européennes et diplomatiques, souligne que l’hypothèse d’une démission d’Emmanuel Macron provoquerait un séisme politique et diplomatique en Europe, mais ne réglerait en rien l’impasse institutionnelle française. Même un successeur à l’Élysée se heurterait aux mêmes fractures.
Au fond, la vraie question n’est plus : Bayrou tombera-t-il ? Mais : la France peut-elle encore être gouvernée sans réinventer ses institutions et son contrat social ?