Crédit Photo : @USEmbalo / X
Le Président de la Guinée Bissau, Umaro Sissoco Embalo.
Le président bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embalo, a dissout lundi le Parlement dominé par l'opposition, seulement cinq mois après son installation. Un coup d'Etat "institutionnel" selon l'opposition, trois jours après ce que le président considère comme "une tentative de coup d'Etat".
"Après cette tentative de coup d'État menée par la Garde nationale et devant les preuves fortes de l'existence de complicités politiques, le fonctionnement normal des institutions de la République est devenu impossible. Ces faits confirment l’existence d’une grave crise politique"
, a annoncé le Président bissau-guinéen ce lundi dans un communiqué.
Jeudi, des éléments de la Garde Nationale ont voulu libérer le ministre des Finances, Souleiman Seidi, et le secrétaire d’État au trésor, Antonio Monteiro, qui étaient en garde à vue dans le cadre d'une enquête pour un retrait
de dix millions de dollars. Des combats avec les forces spéciales de la Garde Présidentielle ont ensuite fait au moins deux morts.
Depuis le mois de juin et les élections législatives gagnées par l'opposition sous la houlette du PAIGC, parti historique créé par Amilcar Cabral et désormais dirigé par Domingos Simões Pereira, une cohabitation avait été imposée au Président Emballo. L'opposition majoritaire au Parlement dirigeait aussi le gouvernement.
La constitution bissau-guinéenne prévoit un système bicéphale. Le parti majoritaire à l'assemblé nationale désigne le premier ministre et rend compte au Parlement. Ce qui a favorisé bien des divergences entre Président de la République et Premier ministre pour le contrôle du pouvoir et qui a toujours maintenu le pays dans un cycle de conflits au sommet de l'Etat.
Un coup d'Etat institutionnel ?
Ce n'est pas la première fois que le président Embalo dissout le parlement. En mai 2022, il l'avait déjà effectué, en raison de
"divergences persistantes ne pouvant être résolues"
avec le Parlement, devenu selon lui
"un espace de guérilla politique et de complot"
.
En appelant à de nouvelles élections, il espérait alors gagner et proposer une nouvelle constitution qui lui permettrait, selon l'opposition, d'asseoir davantage son pouvoir, de basculer peut-être dans un régime plus présidentialiste, lui qui avait été élu en 2019. Cependant, l'opposition est sorti vainqueur de ces législatives et les réformes escomptées n'ont pas été faites.
Mais contrairement à la dissolution du parlement en 2022, celui de ce lundi pose des questions quant à sa légitimité. Selon l'article 94 (1) de la constitution bissau-guinéenne,
"il ne peut être procédé à la dissolution de l'Assemblée Nationale Populaire dans les 12 mois qui suivent son élection, ni pendant le dernier semestre du mandat du Président de la République, ni pendant l'état de siège ou d'urgence"
. Or, le Parlement actuel n'a été installé qu'il y a cinq mois.
Pour l'opposition et son leader et président de l’Assemblée nationale, Domingos Simoes Pereira, cette dissolution n'a aucune légitimité et constitue un
"coup d'Etat institutionnel"
pour plusieurs observateurs.
Les événements de la semaine passée considérée comme
"une tentative de coup d'Etat"
posent cependant des questions quant à leur pertinence pour l'opposition. À moins de deux ans de la fin de son mandat, la tendance des élections législatives donnerait la faveur à une victoire du PAIGC de Domingos Pereira.
Pour certains observateurs, la dissolution de l'Assemblée Nationale et l'invocation de
"l'existence de complicités politiques"
derrière la
"tentative de coup d'Etat"
, permettrait au Président Embalo de renforcer ses pouvoirs et de créer des bases pour museler l'opposition avant l'échéance électorale. D'autant plus que le chef d'Etat bissau-guinéen s'est attribué désormais les portefeuilles de la Défense et de l’Intérieur.
Lundi soir, ses propos sur X laissaient entrevoir un contexte de tension encore perceptible en Guinée Bissau.
"Tout va bien à Bissau. Les acquis démocratiques sont respectés et maintenus. Des gardes militaires ont été positionnés aux sièges de la Télévision nationale et de la Radio de Guinée-Bissau pour sécuriser le changement de direction générale en cours"
, écrit-il.
Dans un pays habitué à une forte instabilité politique et des coups d'Etat fréquents, ce nouvel épisode de la vie politique du pays ouest-africain est loin de connaître son épilogue...
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