
Au Cameroun, une effervescence particulière règne dans les quartiers musulmans de Yaoundé à l’approche de l’Aïd el-Fitr, marquant la fin du mois sacré du Ramadan. Dans une symphonie de préparatifs festifs, une tradition ancestrale se perpétue avec ferveur : le tatouage au henné. Dans les ruelles animées du quartier de la Briqueterie, les salons de beauté spécialisés dans cet art millénaire ne désemplissent pas, témoignant de l’importance culturelle et esthétique de cette pratique qui transcende les générations.
Le henné, cette poudre végétale aux propriétés tinctoriales exceptionnelles, représente bien plus qu’un simple ornement éphémère. Considérée comme la plus ancienne teinture naturelle au monde, cette plante est profondément ancrée dans les traditions sahélo-arabo-berbères où elle incarne l’élégance féminine et la célébration des moments festifs.
Pour prendre le pouls de cette tradition vivante, nous nous sommes immergés dans l’univers fascinant du tatouage au henné, guidés par Jamila, une jeune artiste de 24 ans qui perpétue cet héritage avec passion et créativité.
À la rencontre d’une gardienne du savoir-faire
Étudiante à l’École Normale Supérieure de Yaoundé, Jamila incarne parfaitement cette jeunesse qui concilie modernité et traditions. Depuis dix ans déjà, elle maîtrise l’art délicat du tatouage au henné, transformant les mains et les pieds de ses clientes en véritables œuvres d’art éphémères.
Cette dimension esthétique prend une importance particulière lors des célébrations religieuses comme l’Aïd el-Fitr, où la beauté devient un moyen d’honorer la fête. Les femmes et jeunes filles musulmanes considèrent alors le tatouage au henné comme un rituel préparatoire indispensable, au même titre que les nouveaux vêtements ou les plats traditionnels.
Aux sources du précieux pigment
Accompagnant Jamila dans sa quête d’approvisionnement, nous découvrons un marché vibrant de couleurs et d’odeurs où le henné occupe une place privilégiée parmi diverses épices et produits traditionnels. Ce voyage sensoriel nous permet d’approfondir notre compréhension de cette poudre aux multiples vertus.
Cette distinction essentielle entre henné naturel et transformé révèle un aspect fondamental de cet art: la recherche d’une coloration durable. En effet, la longévité des motifs constitue un critère de qualité primordial, particulièrement lors des périodes festives où l’on souhaite conserver ces ornements pendant plusieurs semaines.
Une tradition aux multiples vertus
La plante de henné (Lawsonia inermis) contient naturellement une molécule, la lawsone, qui possède des propriétés rafraîchissantes et astringentes. Les femmes des régions sahélo-arabo-berbères ont également découvert empiriquement ses vertus fortifiantes pour les ongles et les cheveux, l’utilisant régulièrement comme soin capillaire naturel. Ces usages multiples témoignent d’une connaissance approfondie des propriétés de cette plante, transmise de génération en génération.
À Yaoundé, cette tradition importée des régions sahéliennes s’est parfaitement intégrée au paysage culturel urbain, témoignant de la richesse des échanges interculturels qui caractérisent la capitale camerounaise. Les salons spécialisés comme celui de Jamila deviennent ainsi des espaces de transmission culturelle où se perpétue un savoir-faire ancestral